Contribution historique 

au Plan prévisionnel des risques d’inondations 

à Vic-en-Bigorre

Les grandes crues de l’Adour

 

De mémoire d’archives, la plus forte inondation connue date du 1er juillet 1678. Elle fut qualifiée de «déluge général» par Jean-François d’Antin, seigneur d’Ourout. Les États de Bigorre qui se tenaient à Tarbes, au couvent des Cordeliers, durent en sortir sur des chevaux et carrosses. Les religieux abandonnaient le couvent et les maisons de Tarbes furent toutes envahies par l’eau jusqu’au premier étage.

 

Auteur d’une brochure sur les inondations de l’Adour, Justin Lalanne rappelle les ravages exercés par le fleuve dans les années 1678, 1716, 1732, 1762, 1767, 1770, 1771, 1773, 1785, 1787, 1788, 1828, 1855, 1875 et 1897. Les crues les plus spectaculaires du XIXe siècle furent sans conteste celles de 1806 qui nécessita la reconstruction, en 1816, du pont de Vic-en-Bigorre, ouvrage en pierre et bois, février 1850 où l’Adour inonda le lieudit «Caüé» et menaça Artagnan emportant un hectare de terrain, 1855, 1873 : crue inférieure de 1,34 m à celle du 23 juin 1875, 1874, 1875 et 1897. À ces deux dernières dates, les ponts de l’Adour et du chemin de fer, à Tarbes, furent emportés ainsi que 13 ponts dans la vallée de l’Adour. En 1875, la plaine vicquoise était recouverte par les eaux. L’Echez et l’Adour auraient fusionné sans le barrage du remblai de la nouvelle voie de chemin de fer Agen-Tarbes construite en 1869. Le pont fut reconstruit en 1877 avec 8 piliers et 55,15 m de longueur.

 

Le 23 juin 1875

 

La chaleur précoce de ce printemps-là est accablante. Déjà, les 3 et 4 juin, des inondations provoquées par la fonte des neiges occasionnent de multiples dégâts. Le 23 juin, la Garonne et l’Adour entrent en crue d’une manière subite et considérable. La cote dépasse de 28 cm celle du début du mois et surpasse celle de 1855, la plus forte du siècle. La vision est incroyable. La plaine de l’Adour, jusqu’en Rivière-Basse, est un miroir liquide. Par bonheur, le remblai du chemin de fer, récemment construit, fait barrage empêchant les eaux de l’Adour de se mêler à celles de l’Echez. Ce jour-là, on mesura sous le tablier du pont métallique, à Artagnan, une cote fabuleuse d’environ 4 m. Cette inondation de 1875 est devenue la crue de référence  avec une valeur de débit égale à 350 m3/seconde. Depuis, l’Adour fait l’objet d’un suivi hydrométrique. Ainsi les plus fortes crues connues sont répertoriées depuis plus de 100 ans : juin 1875 : on observa un déplacement du lit de l’Adour sur la rive gauche, à Vic-en-Bigorre, février 1952 : crue centennale de l’Adour. Du 31 janvier au 4 février 1952, des pluies diluviennes sur les Pyrénées firent monter tous les cours d’eau du Sud-Ouest, mai 1977 et 5 octobre 1992.

 

Les grandes crues de l’Echez

 

Les archives vicquoises retiennent, pour l’essentiel, les crues endémiques de l’Échez constatées dans la partie occidentale de la ville soit, pour estimer large, de la digue de la «Préchère», construite en 1659, jusqu’aux quartiers de la Herray et de Baloc. Les grands travaux du début du XIXe siècle ont lieu au pont de l’Échez, appelé également pont du Béarn, qu’il faut reconstruire. Pendant des siècles, le pont du Béarn est un ouvrage en bois situé dans le prolongement de la rue du Château, légèrement en amont, formant un angle de 20° sud-ouest avec le pont actuel. À l’époque des crues, sa position basse sur les rives de l’Échez l’expose fréquemment à la destruction. À la Révolution, il est déjà envisagé de le reconstruire. Les réparations de cet édifice, plus passerelle que véritable pont, sont annuelles.

 

En 1811, on reconstruit la charpente du pont en bois de 49 m de longueur et de 3,05 m de largeur qui repose sur deux grands arceaux en briques cuites à la tuilerie du Marmajou qui a remplacé vers la fin du XVIIe siècle, la tuilerie de la Coste d’Arré. La culée occidentale - rive gauche - s’appuie sur le pilier d’un arceau en briques. Elle cède toujours sous la poussée du torrent et c’est bien son défaut congénital. 

 

Le tracé actuel de la route de Pau est retenu depuis l’année 1836. Les berges de l’Échez font l’objet de travaux d’entretien de 1829 à 1839. La construction d’un pont en maçonnerie sur la rivière de l’Échez rentre dans sa phase active en 1842. Le 10 décembre 1645, il est décidé de construire un pont sur l’Échez “entre les deux qui sont à présent, que l’embouchure et bout du pont allât à l’entrée du château et que ledit pont fut fait avec des grandes pierres, pour les fondements, tuiles en arcades, pavé, etc.”. Le 10 juin 1646, la décision est confirmée. En 1848, un arrêté préfectoral autorise l’infléchissement, dans l’axe du pont actuel, de la route de Pau jusqu’à l’entrée du stade Antoine Ménoni. L’année suivante, le redressement de la route est effectif. En 1851, la promenade du Tivoli devient chemin du Tivoli ou avenue de Pau. Le nouveau pont est réceptionné le 5 mai 1853. 

 

Dégâts en tous genres

    

Par temps de grosses pluies, deux quartiers du centre-ville étaient régulièrement inondés : le quartier de la Rochinole - quai Rossignol - et le quartier de la place des Merceries - place de la République. Mais il s’agit là d’une désynchronisation des trop-pleins d’eau vers les déversoirs des moulins en activité sur le canal des Moulins. 

 

Depuis 1863 et le rachat par la municipalité vicquoise du moulin du Roi, sur la place de la République, ce désagrément a disparu et le débit de l’eau est calibré par les écluses régulatrices du Claquet.

 

L’Échez continuera à faire des siennes dans une fréquence implacable d’une année sur deux. Les archives retiennent principalement la crue majeure de l’hiver 1855 qui détruira le Pont-Debat, en bois, édifié au mois de septembre de cette année-là, qui reposait sur 20 piliers rondins alignés sur 5 rangées, culées en maçonnerie. Le tablier culminait à 5 m et la voie était large de 3,90 m. Ce pont sera reconstruit, en décembre 1881, par la municipalité de Joseph Fitte. Il sera métallique et mis en place par la Société des Ponts et Travaux en fer de Paris. Il est toujours en place.

 

Les dégâts de l’Échez sorti de son lit majeur se manifestent jusqu’à la prairie Rothschild, rive gauche de l’Échez. La route de Saint-Lézer à Vic-en-Bigorre dont l’origine était un poteau indicateur placé près de l’emplacement de la chapelle de l’Échez, dédiée à Sainte-Catherine, près du pont de l’Échez, n’était pas épargnée. Cette petite église fut emportée par une crue de la rivière, en 1788. On peut observer, aujourd’hui, cette portion de l’ancienne route Auch-Pau  placée en contrebas du fait de l’exhaussement de l’avenue de Pau, en 1851. Une délibération municipale du 12 mai 1808 rappelle que la digue de la «Préchère» détruisait le chemin vicinal de Saint-Lézer par temps de crue.

 

Les flots furieux grimpaient aussi jusqu’au gué d’Arribe, rive droite de l’Échez, point de passage obligé pour les troupeaux, les convois, voire les hommes, pendant des siècles. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les planches branlantes du pont du Béarn sont tellement peu sûres que le bain de pieds est préférable à la chute dans la rivière. Le passage du gué est attesté par les documents, depuis le XIIIe siècle, sous l’appellation de “Gua d’arriuetz”. Par altérations successives “Gué d’arribe” est devenu “Garde-rives” puis “Garderive”. 

 

Autres dégâts du fleuve au deuxième cimetière vicquois, rive droite de l’Échez, étant plus en contrebas et vulnérable à la montée des eaux. Il sera désaffecté complètement en 1896. De 1867 à 1876, on y aura procédé à l’exhumation dans sa partie occidentale la plus menacée. Le 11 décembre 1938, il sera vendu aux enchères, pour 26000 francs, à M. Contensou, receveur principal des Postes au Sénégal.

 

A Vic-en-Bigorre, l’Échez a provoqué d’autres inondations importantes. On peut en citer les dates : mars 1912 où le pont de Baloc, en bois, dit pont Labat, fut emporté, juillet 1932, décembre 1937, juin 1938, février 1952 : crue de référence centennale avec un débit de 105 m3/seconde, mars 1965 : fermes envahies par les eaux, dégâts importants au bâti et aux propriétés agricoles, brèches dans les ouvrages de protection; commune classée sinistrée par arrêté préfectoral, février 1971, février 1978, décembre 1993, décembre 1999, Pentecôte 2000 affectée d’une fréquence quinquennale, mars 2006 et janvier 2009.                                                                              

 

 Claude Larronde - 2/11/2011

 

1 - «Chronique des bords de l’Adour» - Claude Larronde - 1987 - Bibliothèque centrale de Prêt de Tarbes.

 

2 - «La ville de Tarbes et les communes limitrophes menacées par les inondations de l’Adour» - Justin Lalanne - 1926 - Notice complémentaire - 1931.

    

3 - «L’Arsenal de Tarbes - Histoire et Patrimoine» - Claude Larronde - 1991 - Sur le sujet, à l’Arsenal de Tarbes et l’écroulement du pont de l’Adour à Tarbes, lire le chapitre «La grande crue de 1875».

 

4 - M. Meunier, Conseiller rapporteur, grave sur les ponts les repères définitifs et les peint en couleur, en septembre 1878, mais le plan de la crue de toute la plaine inondée est achevé par l’expert de la Compagnie des chemins de fer du Midi, le 19 février 1877. Ce document exceptionnel, en couleur sur toile, est aux Archives départementales des H.P - Série : S - chemin de fer - cote : 301.

    

5 - «Le Pic du Midi et son observatoire» - Jean-Christophe Sanchez - 1999 - Editions Cairn - «Les eaux des cours d’eau pyrénéens gonflées par la fonte de cette neige grossissent dangereusement et dévalent ravines, vallons et vallées emportant tout sur leur passage. Et ces flots torrentiels charriant boue et pierres se déversent vers la plaine, lourds de menaces. C’est ainsi que comme l’Adour, les Gaves et la Garonne en crue quittent leur lit. Tout le Sud-Ouest est touché par ces crues».

 

6 - «Les moulins de Vic-Bigorre» - Claude Larronde - 1995 - Société Vicquoise d’Etudes et d’Informations municipales. 

   

7 - «Vic-Bigorre et son Patrimoine» - Claude Larronde - 1998 - Edition Société Académique des H.P.