DESCA LE GAULOIS

 

L’héroïsme des Gaulois

 

Dans un article paru dans les « Cahiers de la Méditerranée » et intitulé « Le guerrier sculpté en France, de 1871 à 1914, ou le triomphe de l’héroïsme anonyme », Guillaume Peigné rappelle qu’une foule de guerriers sculptés a également animé les salons de la Troisième République, avant de finir sur les places, les jardins publics ou les musées. L’apparition des Gaulois en sculpture date du Second Empire, avec le « Vercingétorix » monumental et debout d’Aimé Millet, érigé à Alesia, en 1865 et le « Vercingétorix » équestre de Bartholdi, présenté au Salon de 1870, mais érigé en 1903 à Clermont-Ferrand, place de Jaude. C’est d’ailleurs dans cette ville qu’une remarquable communication sur le sujet fut faite par Anne Pingeot, conservatrice du musée d’Orsay, sous le titre : « Les Gaulois sculptés - 1850-1914 - Actes du colloque de Clermont-Ferrand, les 23-25 juin 1980 ». À propos de « Revanche », elle dira : « Un observateur attentif croit reconnaître la double race d’où est sorti le peuple français : le Germain venu du nord, le Gaulois venu du midi, un aspect moins martial et plus fin fondu dans le creuset mystérieux d’où a jailli notre précieuse et indestructible unité nationale ». Deux types de compositions sont à considérer : offensives et défensives. Ces dernières ont la préférence de Guillaume Peigné qui cite le binôme d’Edmond Desca « On veille » installé dans le parc de la Pépinière, à Nancy. Cet ensemble allégorique fit sensation au Salon de 1885. Il est vrai que la plaie largement ouverte, en 1870-1871, saignait encore. On peut le décrire ainsi : « Deux hommes nus portant longues moustaches et cheveux tressés, de type gaulois, avec à leurs pieds des grosses pierres et une fronde, attendent fermement l’ennemi le regard fixé vers la ligne bleue des Vosges, attendant le choc prévu avec cet ennemi dans une attitude empreinte de fermeté résolue » (1).

Desca - « On veille »

cliché Jean-Christophe Lièvre

Le bronze du patriotisme

 

En 1888, naît « Revanche », étape majeure dans l’œuvre d’Edmond Desca (1). Le bronze exprime une énergie brutale et une belle science de l’anatomie. Cet homme primitif, les flancs ceints d’une peau de bête, le bras gauche crispé par la colère, prêt à bondir, provoque l’envahisseur massue à la main. Il deviendra le premier Monument aux Morts des Hautes-Pyrénées dédié aux victimes de la guerre de 1870-1871. Avec cette pièce et « On veille », Desca reçoit la médaille d’or, suprême récompense, au Salon des Beaux-Arts de 1889, l’année de l’Exposition universelle. Le 2 octobre 1889, le député-maire Joseph Fitte propose au conseil municipal l’acquisition de « Revanche ». Au mois d’août 1891, la sculpture débarque en gare de Vic-en-Bigorre. Elle coûte 12000 F. L’étude anatomique du sujet et le fini de l’exécution surprennent agréablement les connaisseurs et l’œuvre est rapidement acceptée par la population vicquoise qui s’identifie parfaitement à cet inquiétant irréductible. Le 25 février 1894, Joseph Fitte propose au conseil municipal de faire de « Revanche » un attribut héroïque des sacrifices consentis et du sang versé par les Bigourdans du canton, face à l’occupant prussien, et de noter sur le piédestal les noms des combattants morts pour la Patrie, en 1870-1871. Cette proposition émane de deux motivations personnelles : patriotique et électorale. Médecin vétérinaire issu de l’École de Maison Alfort, le maire de Vic-en-Bigorre a fait son service militaire au régiment de cavalerie de Rambouillet et a combattu, en 1870-1871, dans l’Armée de Paris. Il est aussi l’élu du Conseil d’arrondissement, depuis le 19 février 1893 et se présentera à l’élection du Conseil général du canton de Vic-en-Bigorre, le 28 juillet 1896, où il triomphera.

Desca - « Revanche »

cliché Claude Larronde

Les défenseurs de la Patrie

 

Premier Monument aux Morts du département des Hautes-Pyrénées dédié aux victimes de la guerre de 1870-1871, le choix de « Revanche » fut pour le statuaire vicquois un sujet de grande fierté patriotique (3). Le 18 juillet 1895, le socle en marbre d’Arudy, avec l'écusson de la Ville, accueille les six défenseurs de la Patrie que furent Louis Laffaye né à Vic-en-Bigorre et tué le 16 août 1870, à Gravelotte (Moselle), Jean-Marie Labat né à Vic-en-Bigorre et décédé le 11 janvier 1871 à Yvré-l’Evêque (Sarthe), Jean-Jacques Villeneuve né à Talazac et décédé à Paris, Jean-Marie Commères né à Caixon et décédé le 24 janvier 1871 à Prauthoy (Haute-Marne), Louis Ranson né à Camalès et décédé le 18 décembre 1870 à l’ambulance de Besançon - Nuits (Yonne), Auguste Duffar né à Artagnan et décédé le 18 août 1870 à Saint-Privat-la-Montagne (Moselle). Ils avaient vingt ans et toute une vie d’espoir et de projets devant eux.

Desca - « Revanche » - piédestal

cliché Claude Larronde

 

1-http://www.histovic.com/sculpteurs-romantiques/romantiques-3/

2-« Edmond Desca, le lion de Bigorre » - Claude Larronde - Bibliothèque municipale de Tarbes - 1989.

3-http://www.histovic.com/visite-de-vic-en-bigorre/desca-elan-patriotique/

Claude LARRONDE

Historien et chroniqueur du Pays de Bigorre

 

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