BERTRAND BARERE DE VIEUZAC

Le parcours 

 

Je vais aborder l’épisode de la Révolution avec Bertrand Barère, le Bigourdan incontournable. Fil rouge de mon propos, j’ai choisi un ouvrage grand public : « Bertrand Barère (1755-1841), un parcours » publié par la ville de Tarbes, en 2005. Présenté dans une exposition qui lui était consacrée à la Mairie de Tarbes, du 9 septembre au 30 octobre 2005, et écrit par des historiens, généalogiste et journaliste suivants : Monique Certiat, Maïté Bouyssy, Jean-Pierre Boudet, José Cubéro, Robert Lacrampe et Robert Vié, il se lit agréablement comme une parfaite synthèse du parcours, peu commun, de ce personnage aux multiples facettes (voir mes articles sur Bertrand Barère à l'adresse :  http://blog.claudelarronde.fr). En préambule, Gérard Trémège, maire de Tarbes, affirme que le grand public devrait se rappeler que Bertrand Barère a fait Tarbes en obtenant, en 1790, que lui soit attribué le rôle administratif, alors nouveau, de chef-lieu du département des Hautes-Pyrénées. Le premier magistrat de la ville relève aussi une déclaration prémonitoire de Bertrand Barère au sujet de l’Europe : « Ce continent si éclairé par les Lumières du siècle doit un jour être soumis aux décrets d’une grande assemblée européenne ». À son tour, l’éminent historien Jean-François Soulet nous rappelle dans sa préface que Bertrand Barère fut « moqué pour son opportunisme et sa lâcheté, méprisé pour avoir voté la mort du roi sans appel ni sursis ». Le Conventionnel avait suscité « un profond rejet de la part de certains de ses compatriotes, notamment des adversaires de la Révolution ». En 1884, les édiles tarbais furent réticents à célébrer sa mémoire et donner son nom à une rue de la ville. En 1889, après maintes discussions, le nouveau boulevard qui relie le Maubourguet (place de Verdun) à la gare lui est finalement attribué. Mais un crédit de 500 F, voté par la municipalité pour l’érection d’une statue, lui est refusé par la droite. Barère devra se contenter d’un simple buste sur sa tombe au cimetière Saint-Jean. Révolutionnaire enthousiaste ou régicide opportuniste ? De nouveaux aspects de sa vie publique vont apparaître peu à peu.

Des ancêtres aristocrates

 

 

En 2005, la ville de Tarbes célèbre le 250e anniversaire de la naissance de Bertrand Barère à qui l’on doit l’existence des Hautes-Pyrénées. Sa grand-mère maternelle Catherine de Neys ou de Nays ainsi que son père, Maître Jean Barère, Procureur au Sénéchal de Tarbes, comptait de nombreux ascendants lavedanais. Robert Lacrampe nous livre une étude généalogique détaillée des ancêtres aristocrates du Conventionnel. « Seize maisons nobles, certaines célèbres, d’autres plus effacées, apparaissent dans les quatre premiers tableaux qui suivent et ne prétendent guère être exhaustifs ». Ils montrent que Bertrand Barère descendait au moins 35 fois de familles nobles : Majourau (6), Vicomtes de Lavedan (5), Arzaas (3), Abadenc (3), Barège de Vieuzac (2), Couhitte (2), Abilhac (2), abbés lais d’Ossen (2), La Pène (2), Cazaubon (2), Abbadie (1), Omex (1), Miramont (1), Soulaas (1), Castelnau-Laloubère (1), Cazaux (1). Regroupés en cinq tableaux, tous les lignages nobles et roturiers de ses ancêtres s’affichent. Dans le détail, le tableau n° 1 contient les lignages nobles lavedanais dont étaient issus Barthélémy de Majourau de Vidalos de Vieuzac et Jeanne de Majourau de Vidalos de Vieuzac, frère et sœur, tous deux ancêtres de Bertrand Barère de Vieuzac. Le tableau n° 2 regroupe les lignages nobles lavedanais dont était issu Jean Louis d’Astaing d’Étampes, en Pardiac, ancêtre de Bertrand Barère. Le tableau n° 3 contient les nobles lignages dont était issue Marie d’Antist abbesse laie d’Ouzous de Mansan, ancêtre de Bertrand Barère. Le tableau n° 4 regroupe les lignages nobles lavedanais dont il était issu. Le tableau n° 5 visualise les liens de parenté entre Maître Jean Barère, son père, et Jeanne Catherine Marrast, plus une parenté au 5e degré avec Jacques Hector d’Antin d’Ourout qui lui vendit l’abbaye laïque et la seigneurie de Vieuzac. Quand je pense à tous ses contempteurs qui l’accablaient de quolibets sur sa prétendue noblesse, ils auraient mérité de comparaître devant Robert Lacrampe et d’être condamnés à apprendre sur le bout des ongles les quatre tableaux des lignages nobles lavedanais dont était issu le futur député du Tiers-État haut-pyrénéen.

Le chaos administratif

 

José Cubero nous livre son sentiment sur « l’invention » de notre département par Bertrand Barère de Vieuzac : « Par sa puissance de travail, par sa pugnacité, par son éloquence et son entregent, il a su convaincre que sa province, menacée de dilution, devait se perpétuer. Lui nier le droit de vivre comme entité, réduire Tarbes à l’état d’un "misérable" district aurait constitué un véritable crime contre ses habitants et leur pays ». Le contexte géographique de l’époque ? Un chaos administratif, affirme l’historien. La Bigorre est rattachée, au début du XVIIIe siècle, à la généralité de Bordeaux. En 1716 : « le pouvoir royal mesure les difficultés provoquées par l’éloignement des « pays » périphériques. Il comprend que les Quatre Vallées, le Nébouzan, les élections d’Astarac et de Comminges, de Rivière Verdun et de Lomagne dépendant de la généralité de Montauban, sont, pour la plupart, dans une distance trop éloignée de Bordeaux et de Montauban ». Il crée la généralité d’Auch. Son intendant, outre la charge de la Navarre et du Béarn, administrera la Bigorre et les Quatre Vallées. De plus, il lui est demandé de constituer le département des Hautes-Pyrénées avec des lambeaux du Nébouzan, de l’Astarac et du Comminges. Je fais grâce au lecteur des réformes effectuées par la monarchie de 1768 à 1775, puis de 1784 à 1787, ainsi que celles avortées dans la confusion. « Si bien qu’à la veille de la Révolution, la Bigorre relève du gouvernement de Bordeaux pour les affaires militaires, du Parlement de Toulouse pour la justice, de l’Intendant d’Auch pour toutes les affaires administratives et de l’archevêque d’Auch, celui de la Novempopulanie, pour les affaires religieuses ». Et José Cubero d’ajouter : « Sans oublier la bigarrure des privilèges, libertés traditionnelles et autres particularismes locaux découlant des droits acquis et droits d’usages qui permettent aux groupes humains, ordres, corporations, confréries et individus de se distinguer et de se quereller sans fin pour être et paraître avec une place enviable ». L’esprit des Lumières réclamait la simplification administrative et judiciaire afin de refouler l’irrationnel et l’incohérence.