UN CURE DE CHOC : JOSEPH DELCROS-TERRATZ

Dès sa nomination à la cure de Vic-en-Bigorre, le 22 janvier 1804, Joseph-Charles-Camo-Ange Delcros Terrats entretient une correspondance régulière avec l'abbé François Honnert, secrétaire général de l'évêque du diocèse de Bayonne et, plus rarement, avec monseigneur Joseph Jacques Loison, alors en charge des départements des Basses-Pyrénées, Landes et Hautes-Pyrénées, les diocèses d'Aire et de Tarbes n'ayant pas encore été rétablis. Elle s'interrompt le 14 février 1817, un peu avant son décès, le 27 mars 1817. Soixante lettres couvrent cette période et nous livrent la personnalité du curé de Vic-en-Bigorre. Homme cultivé, en poste à Paris, puis professeur en droit canon à l'université de Caen, il est secrétaire général de Monseigneur Caylus, évêque de Bayeux, pendant deux ans. L'intransigeance pour son apostolat, n'a d'égale que la sévérité des jugements qu'il porte sur ses paroissiens déboussolés par les séquelles des décisions révolutionnaires. Ce combattant de la foi qui n'a jamais voulu jurer sur la "Constitution civile du Clergé" abat une besogne sacerdotale considérable dans une paroisse délabrée et en proie au doute.

 

L'après Révolution, à Vic-en-Bigorre

 

La restauration de la municipalité vicquoise a lieu le 1er prairial, an VIII (21 mai 1800). Onze jours plus tard, Jean Suzanne Combessies est nommé maire. Il était jusque-là agent national et auteur de discours enflammés pour la cause révolutionnaire et contre la religion. Le premier adjoint, c'est Antoine Darrabiat, "cultivateur" et "châtelain" de Saint-Aunis. Né à Campan, le 7 mai 1757, il devient docteur en théologie et vicaire de sa commune avant d'être nommé à Vic. Curé constitutionnel de Vic, depuis le 1er juillet 1791 jusqu'au 20 novembre 1793, en remplacement du curé Rivière parti à Paris pour les Etats Généraux, il prend fait et cause pour la Révolution. Il se marie avec mademoiselle Madeleine Lataste, riche propriétaire du domaine de Saint-Aunis, le 26 juillet 1798. On prétend qu'il lui a fait deux enfants. On peut en douter car les registres des naissances vicquoises ne recèlent aucune trace d'inscription de ces nouveaux-nés et lui-même affirmait que les deux enfants que l'on voyait à Saint-Aunis étaient ceux de son frère, établi hors de France. Elle, est petite-fille de Eugène Lataste, acheteur du domaine, en 1743.

 

En novembre 1792, les électeurs le nomment administrateur de l'assemblée départementale et le Conseil général le choisit pour son président alors qu'elle compte dans son sein Jean-Guillaume Molinier, évêque constitutionnel des Hautes-Pyrénées.

 

L'assemblée a des sentiments plutôt fédéralistes et ses sympathies régionales la rapproche des Girondins, brillants orateurs à l'assemblée nationale, regroupés au sein de la "Commission populaire de salut public" de Bordeaux. Lorsque l'affrontement eut lieu, à la Convention, aux mois de mars et avril 1793, entre Girondins et Montagnards aux mains de la Commune de Paris, le centralisme jacobin et parisien avait décidé d'éradiquer le "poison" du fédéralisme, en France. Darrabiat fait partie des dix administrateurs du Conseil de l'assemblée départementale qui envoient, en juin 1793, une "adresse" à la "Commission populaire du salut public du département de la Gironde" pour la soutenir dans cette "épreuve".

 

Benoît Jean-Baptiste Monestier, ancien chanoine du chapitre de Saint-Pierre de Clermont-Ferrand, premier vicaire de l'évêque constitutionnel du Puy-de-Dôme, député à la Convention pour ce département, est nommé, le 20 juin 1793, délégué près l'armée des Pyrénées-Occidentales avec autorité sur les départements des Basses-Pyrénées, Hautes-Pyrénées, Gers et Landes. Au mois de juillet, il doit se prononcer sur l'attitude des administrateurs de l'assemblée départementale qui ont refusé la translation, à la prison de Mont-de-Marsan, de l'ex-ministre Dejoly, avocat de Montpellier, retiré à Bagnères et de son secrétaire, Darrieux de Tarbes. Ces deux hommes, mis en accusation par les proconsuls Izabeau et Garrau, doivent comparaître devant la Convention nationale. Après hésitations et palabres avec les autres membres de l'assemblée départementale, Monestier, venu spécialement de Bayonne à Tarbes, traduit les sept du Conseil girondiste tarbais, pour explications, devant la barre de la Convention nationale. Les trois autres administrateurs, dont le vicquois Pierre Constance Sabatéry, dégagèrent suffisamment leur responsabilité pour être complètement mis hors de cause. Dans cette affaire, le tort du curé de Vic-en-Bigorre fut d'arriver en retard à la réunion du Directoire du département, présidé, comme le prévoyait le règlement intérieur, par son compatriote de Campan, Jean-Pierre Dauphole, le plus âgé des membres présents. À son arrivée et en sa qualité de président de l'assemblée, il s'asseyait, reprenait la présidence de la réunion et... entérinait bien légèrement le refus du département d'exécuter les ordres des représentants de l'assemblée nationale !

 

Le 2 août, Monestier du Puy-de-Dôme renouvelle l'Administration et le Directoire du département. Il "casse" la plupart des directoires des districts départementaux. Darrabiat et ses compagnons sont accusés de manquer de patriotisme mais Monestier a sous-estimé l'action puissante de leur compatriote tarbais Bertrand Barére, auprès du Comité de Salut Public dont il est un membre influent. Le 7 août, la Convention renvoie à leurs "fonctions" les sept bigourdans Darrabiat, Dauphole, Ozun, Gertoux, Sabail, Pigneguy et Desbets, trop heureux de s'en tirer à si bon compte. Monestier n'en a cure et passe outre la recommandation de l'assemblée. Il destitue les administrateurs déjà remplacés à leur retour, à Tarbes. Et pour prévenir de leur part toute velléité de retour dans l'assemblée départementale, il les menace. Antoine Darrabiat donne prudemment sa démission.

 

Arrivé à Tarbes le 27 septembre 1793, Arnaud Dartigoeyte, député à la Convention et Représentant du peuple en mission près les départements du Gers, des Landes et des Hautes-Pyrénées, est chargé de seconder l'Administration et la Société Populaire de Tarbes. Deux jours après, il donne l'ordre de faire établir la liste des suspects vicquois. Ils sont trente-huit aristocrates ou prétendus tels enfermés avec leur domesticité dans l'ancienne maison Lagarue ou assignés dans leur propre résidence. Il ordonne la réclusion de Darrabiat, à Tarbes, le 2 octobre 1793, parce qu'il est à la tête du "mauvais parti de Vic". Le 5 octobre, le Conseil de surveillance et le conseil général de la commune de Vic-en-Bigorre sont à leur tour "épurés".

 

Le 20 novembre 1793, on ferme l'église Saint-Martin qui devient au gré des événements : "maison nationale, ci-devant église" "temple décadaire" et "temple de la raison".

 

Le lendemain, Darrabiat se "déprêtrise" et déclare : "Citoyens, mon acceptation de la cure de Vic fut l'effet de mon dévouement à la chose publique et un acte de déférence pour le vœu de cette municipalité, de cette commune. J'entrai en possession d'un emploi constitutionnel le jour où l'aristocratie osa montrer de coupables espérances...".

 

Il remet la clé du presbytère qu'il vient de libérer et on enregistre son départ : "Considérant que l'esprit de la philosophie et de la raison a fait tant de progrès qu'il demeure reconnu que les prêtres ne sont nullement nécessaires dans une République..." . Il quitte Vic pour Tarbes mais fut-il vraiment reclus ?

 

Nommé inopinément président de l'assemblée départementale, Darrabiat aura succédé à Pierre Clair de Fondeville, vicomte de Labatut-Rivière, et précédé Jean Guillaume Molinier, son évêque constitutionnel, pourtant élu le 2 septembre 1792, en l'église Saint-Martin de Vic et encore le 11 novembre de la même année, en l'église des Jacobins de Bagnères, mais empêché de prendre ses fonctions pour des raisons obscures. Le prélat prend sa place, le 2 août 1793. Darrabiat aura rencontré à l'administration du Conseil départemental deux autres vicquois : un médecin, Emmanuel Carrère et Pierre Constance Sabatéry.

 

Après les événements du 9 thermidor an II (27 juillet 1794), Darrabiat est "élargi" et revient à Vic-en-Bigorre. Auguste Izoard, représentant du peuple en mission dans les départements des Basses et Hautes-Pyrénées, prend un arrêté, le 27 mai 1795, en faveur des girondistes "bons républicains", qui rétablit Darrabiat au Directoire du Conseil général du département. Après le décret d'octobre 1795, divisant le territoire de la France, l'assemblée départementale est composée d'administrateurs, d'un commissaire central et de commissaires de canton. À ce titre, il siège au département comme commissaire du canton de Vic-en-Bigorre, avec Jean Davantès. Mais lorsque Brice Gertoux, commissaire central, démissionne et qu'un arrêté du 2 février 1798, le désigne pour le remplacer, il refuse. Il ne veut plus revivre l'épisode de juillet 1793 ! Le 4 avril 1800, le préfet des Hautes-Pyrénées est installé par l'Administration centrale du département qui se dissout. Et c'est ainsi que nous retrouvons l'ex-curé de Vic-en-Bigorre, adjoint au maire Combessies, quelques jours plus tard. Il coulera des jours paisibles, dans le manoir de Saint-Aunis, jusqu'au 16 octobre 1816, où il quitte cette vallée de larmes.

 

Revenons à la paroisse Saint-Martin 

 

Le 1er messidor an III (19 juin 1795), c'est la réouverture de l'église de Vic-en-Bigorre. L'abbé Jean Lagarde, venu de la cure d'Arcizans-Avant, exerce vaille que vaille la fonction de curé. Le Concordat est signé le 15 juillet 1801 mais ne sera proclamé que le jour de Pâques suivant, le 18 avril 1802. En décembre 1801, il est demandé aux membres du clergé un nouveau serment à la République. Jurent : Jean Lalanne, prébendier, Bertrand Pérès, Barthélémy Dubertrand, Gaspard Bouzon, bénédictin, David Baile, cadet, et Jean-Baptiste Bédouret. Refusent de jurer : Blaise Baile, aîné, natif d'Ossun, insermenté, déporté et rentré, vicaire, Lapeyre, curé d'Artagnan, insermenté, déporté et rentré et Jacques Cazaubon, Minime, natif de Vic-en-Bigorre, insermenté, déporté et rentré. 

 

Le 22 juillet 1802, le maire Combessies adresse une pétition au "Citoyen évêque" au nom des habitants de la ville :

 

"En même temps que nous remercions le Ciel de ce qu'il a bien voulu nous donner pour notre premier pasteur un Citoyen, aussi recommandable pour sa piété que par ses talents et ses vertus, nous venons déposer dans votre sein nos vives et justes sollicitudes. Pendant que l'Église Catholique était partout persécutée, pendant qu'une mort menaçante planait sur la tête de ses ministres, alors que les chrétiens cherchaient en vain le baume sacré qui avait autrefois répandu dans leur âme les consolations évangéliques, alors que le mourant était partout privé des secours spirituels qui devaient pendant son agonie, lui faire tranquillement envisager sa dernière heure, enfin au milieu de la tourmente révolutionnaire, le Dieu bienfaisant nous fit le présent précieux d'un ministre de sa religion, en même temps qu'il nous rendit un concitoyen, un ami, un père. À peine eûmes-nous le bonheur de le posséder qu'au milieu des dangers des temps et des persécutions, on le vit porter avec une fermeté édifiante chez le pauvre comme chez le riche des paroles de paix et des secours divins. Dans les chaumières, à l'ombre du mystère, il distribuait sagement les dons qu'il avait lui-même reçus de la reconnaissance pour le soutien de ses jours. Sans liens, sans revenus, il se fit honorer par sa misère, comme autrefois au milieu de l'aisance, il sut se rendre recommandable par sa probité. Ses discours et ses exemples rappelèrent au bercail ceux-là même qui avaient voulu le persécuter. Enfin par ses mœurs, sa vie retirée et sa tranquillité, il fit respecter en lui le caractère sacré de prêtre de Jésus Christ et le titre de Citoyen. Tel est Citoyen évêque, le tableau succinct de la vie du citoyen Jean Lagarde, prêtre, curé actuel de notre ville, âgé de soixante-huit ans. Ah ! déjà vous connaissez nos vœux, ils sont ceux d'une chrétienne reconnaissance. Laissez-nous le encore pour notre curé. C'est la demande que vous font trois mille citoyens qui n'oublieront jamais les bienfaits qu'ils attendent de vous et dont l'étendue seule peut égaler leur reconnaissance. Nous faisons des vœux au Ciel pour la conservation des jours précieux de notre évêque". Suivent 45 signatures.

 

Il est amusant de rapprocher les passages les plus vibrants de cette pétition avec ceux des discours révolutionnaires proférés par le même Combessies, dix ans plus tôt, en février 1792 : "Personne d'entre vous n'ignore que dans ce moment notre sainte constitution est en danger par la coalition de plusieurs puissances de l'Europe excitée et fomentée par une horde de scélérats émigrés qui abrutis par les chaînes de l'esclavage n'ont pas encore assez de force pour s'élever à la hauteur de la dignité de l'homme libre et qui, par ce moyen, ne veulent point reconnaître les droits de l'homme et du citoyen. Je ne vous nommerai point qui sont ces brigands, vous les connaissez tous, ce sont les ci-devant privilégiés et des prêtres mécontents et fanatiques, les excréments de la nature" et le 13 mai 1794 : "Vous n'ignorez pas que le citoyen Monestier (du Puy de Dôme), représentant du peuple, doit venir dans cette commune. Vous connaissez les services importants qu'il a rendus à la chose publique en extirpant le fanatisme, en faisant disparaître les momeries des ci-devant prêtres que la raison avait en vain improuvées jusqu'à ce jour. Nous ne sommes plus dans le temps des adorations serviles, nous sommes dans le siècle de la raison". Il terrorise la ville par ses menaces verbales et, dans le même temps, il fait le bedeau et sert la messe au curé de Vic-en-Bigorre. Nommé en 1800 au poste de maire, il administre paisiblement la ville jusqu'à son décès, en décembre 1807. L'envoi de la pétition des notables vicquois ne sera guère suivi d'effet et Monseigneur restera inflexible.

 

L'arrivée du nouveau curé de Vic-en-Bigorre 

 

Joseph Delcros Terrats arrive à Vic-en-Bigorre le 22 janvier 1804. Le 29, Jean Lagarde, curé destitué, écrit à monseigneur l'évêque pour solliciter la cure de Nouilhan : "Daignez fixer ma destination, toute mon ambition se borne à un petit lieu où je puisse réparer un peu mes forces presque épuisées par le travail excessif que j'ai fait à Vic dans les jours de neuf années. Le village de Nouilhan m'offre cette réponse ; c'est là que moins chargé que par le passé je serai à portée de mémoire de ma famille et du médecin qui connaît mes infirmités, les soins et les secours dont je ne saurais me passer, à l'âge et dans le délabrement de ma santé ou je suis. J'ose tant espérer de votre humanité et de votre justice".

 

Ces quelques lignes pathétiques illustrent très fidèlement le travail harassant qui attend le nouveau curé de Vic-en-Bigorre. Mais Jean Lagarde est un homme fatigué de chagrin, aussi. On lui reproche son empressement à reprendre la cure de Vic-en-Bigorre, dès le 19 juin 1795 et qu'il ait été préféré à Dominique Perrey, Jean Lalanne, Alexandre Cazaubon, ci-devant curé de Plaisance-du-Gers et Gabriel Castillon de Marciac. Ce choix apparaît suspect au conseil épiscopal qui arbitre pour un prêtre non jureur. L'abbé Delcros Terrats est déplacé du collège des doctrinaires de Pau vers la paroisse Saint-Martin de Vic-en-Bigorre et l'abbé Jean Lagarde n'obtiendra que le poste de vicaire à Nouilhan. Né à Perpignan, le 7 avril 1751 et baptisé dans la paroisse Notre-Dame de la Réal de la même ville, le petit catalan Joseph Charles Camo Ange a pour parents Etienne Delcros et Marguerite Terrats et pour parrain, le révérend Joseph Delcros, curé de Taulis, petite commune du canton de Céret et marraine, Françoise Condon-Beneis. Le 5 juillet 1805, Joseph Delcros Terrats, nouveau curé de Vic-en-Bigorre, adresse une lettre à M. l'abbé François Honnert, originaire de Sarralbe, en Moselle, secrétaire général de l'évêque de Bayonne.

 

L'état des lieux

 

Monsieur, mon cher Honnert,

 

"J'ai pris possession le 22 janvier 1804. Je trouvais cette paroisse sans religion ayant été conduite par un prêtre constitutionnel (Antoine Darrabiat) qui finit par se marier dans la même paroisse avec une demoiselle fort riche qui l'a rendu gros propriétaire. Il a toujours occupé une place dans la commune, il est encore membre du Conseil. À celui-ci, succéda un prêtre doté de peu de moyens (Jean Lagarde) pour s'opposer à la corruption. Voilà l'état où était la paroisse composée de près de cinq mille âmes (réellement 3388 en 1806). À force d'instructions, je parviens à ramener beaucoup de brebis dans le bercail, si j'eusse eu des secours, j'aurais peut-être emporté la place. Tous les jours ont été comptés par des nouvelles conquêtes à Dieu. Avant le jubilé (début 1805) j'aurais arraché au concubinage trente familles, réhabilité soixante-douze mariages, donné la première communion à trois-cent-soixante enfants ou personnes mariées. Le second dimanche de Carême, je fis lecture du décret du cardinal Laprava et du mandement de Mgr. l'évêque concernant l'indulgence du jubilé..."

 

L'évêque de Bayonne

 

 

Né le 21 février 1744, à Montaubé, dans la Meuse, monseigneur Joseph Jacques Loison est nommé évêque de Bayonne, le 5 juillet 1802. C'est à la recommandation à Bonaparte de son neveu, le général Loison, qu'il doit son poste. Le 11 novembre 1802, il est institué canoniquement par le cardinal Caprara et sacré, le 14 novembre, dans l'église Saint-Sulpice de Paris. On lui doit la réunion du clergé réfractaire et du clergé assermenté des Hautes-Pyrénées qui fut retardée par les intrigues de Molinier, ancien évêque constitutionnel, qui poussa les prêtres jureurs à ne pas se rétracter. C'est le 8 janvier 1804, à la cathédrale de Tarbes, qu'assermentés et réfractaires prêtèrent le même serment d'adhésion au Concordat sans exiger des premiers aucune rétractation. En présence du préfet Jean-Pierre Chazal, Monseigneur célébra pontificalement la messe et prononça des paroles d'apaisement, remerciant Dieu du triomphe de la religion et du rétablissement de l'église de France. Des chrétiens impertinents et rancuniers protestèrent contre cette indulgence exagérée de "l'oison". Monseigneur avait aussi juridiction sur les départements des Landes et des Hautes-Pyrénées, les diocèses d'Aire et de Tarbes n'ayant pas été rétablis. Il choisit pour vicaires généraux, Claude-François Lallemand, né dans le Jura et Jean-Jacques Lamarque, ancien vicaire général du diocèse d'Aire. Curé au moment de la Révolution, Joseph Loison prêta le serment de la Constitution civile du clergé, puis se rétracta. Décédé le 17 février 1820 à Bayonne, c'est seulement le 10 août 1823, que le diocèse de Tarbes fut rétabli par Mgr. Antoine-Xavier de Neirac.

 

Le 15 septembre 1804, un prêtre assermenté vicquois se rétracte. Joseph Pambrun, fait la déclaration suivante : "Je soussigné Joseph Pambrun, prêtre, reconnais que la Constitution Civile du clergé que j'ai juré de maintenir de tout mon pouvoir est impie et hérétique. En conséquence, je rétracte le serment que j'ai fait dans le temps et tous les autres serments qui s'en sont suivis".

 

Au début de 1805, Delcros Terrats déclare : "Parmi les personnes qui se sont présentées à moi, il y en avait environ deux-cent, les unes divorcées étant passées à des secondes noces du vivant de la première épouse, d'autres qui avaient contracté seulement devant l'officier public et qui ne croient pas avoir besoin de la bénédiction nuptiale. D'autres sont dans le cas de devoir faire réhabiliter leur mariage se trouvant dans des empêchements divins. Si toutes étaient dans de bonnes résolutions mais ne voulant obtempérer à nos avis qu'autant que nous en avions fait sentir la nécessité à la chaire de vérité. Après avoir examiné et pesé devant eux nos devoirs, voilà ce que je leur devais dire à la suite de la lecture du décret ci-dessus. Il en est, enfin, qui se trouvent dans le cas de devoir faire réhabiliter leur mariage. La charité qui nous a fait un devoir de garder jusque-là le silence sur ce point, nous engage à déclarer aujourd'hui pour contenter ceux qui nous ont dit plusieurs fois qu'on ne devait pas faire un mystère de ce qui est nécessaire pour leur salut. La charité, dis-je, nous fait déclarer que tous les actes de juridiction spirituelle exercés par ceux qui n'avaient pas une mission canonique de l'Église depuis la mort de M. Rivière, notre prédécesseur, jusqu'à l'époque où monseigneur l'évêque actuel de Bayonne est arrivé à Tarbes, sont nuls. Voilà ce que j'ai dit à la chaire de vérité, le succès a répondu à mes attentes. J'ai béni pendant le jubilé quarante-sept mariages contractés seulement devant l'officier public, la plupart de ces personnes n'avaient pas fait leur première communion. J'en ai réhabilité cent quatre-vingt-sept et j'ai fait, par la grâce de Dieu, d'autres bonnes œuvres non moins précieuses et le même Dieu donnant l'accroissement à la parole divine qu'il mettait dans ma bouche me comble de consolation puisque j'ai fait restituer plus de 22000 livres et des effets précieux en argenterie et je suis en voie d'aller plus loin. Enfin, la croix de Jésus-Christ est plantée dans tous les quartiers de la ville, cette cérémonie est faite avec toute la pompe possible. Le pasteur et le troupeau ont tous demandé pardon au pied de la croix des outrages qui ont été faits à l'instrument de notre rédemption. Il n'y a présentement à Vic qu'un Dieu, qu'une foi, qu'un baptême. La voix du seigneur a brisé les cèdres du Liban, elle a retenti jusques aux plus profondes cavernes de Cadès (localité de l'extrême sud du Canaan, où les Hébreux demeurèrent une trentaine d'années après avoir quitté le Sinaï). J'ai dans le moment tant et tant d'enfants sans compter d'autres personnes avancées en âge que je prépare pour la première communion".

 

Et plus loin : "Pendant que je rendais grâce à celui dont le bien procède, il a plu à l'ennemi du salut des âmes de susciter un mois après le jubilé un nommé Duchâtel (Chatel) et Dieu a permis qu'il mêlât un peu d'amertume à notre joie. Le 13 prairial (2 juin 1805) dernier j'ai reçu à huit heures du soir un ordre ainsi conçu : Le Préfet des Hautes-Pyrénées, membre de la Légion d'Honneur, à M. le maire de Vic : J'ai reçu M. le maire avec votre lettre du 9 de ce mois la plainte qui vous a été adressée contre M. le curé de la ville, je vous prie de lui donner l'ordre de se rendre de suite devant moi, à Tarbes, pour en prendre communication et me fournir sa réponse. Signé : Chazal. Pour copie conforme : le maire de Vic, Combessies, maire. Je sais que le bien de la religion exigeant que j'obéisse à cet ordre avant d'en conférer à mes supérieurs hiérarchiques qui se trouvaient éloignés. Je me rendis en effet chez M. le Préfet qui me donna communication de la plainte que Duchâtel avait portée contre moi. Dans celle-ci, il dit que je criai d'une voix si forte au tribunal de la pénitence que son épouse entendit les sottises de sa maison.Jusque-là je n'avais pas imaginé qu'un confesseur pût être accusé d'avoir dit des sottises dans un ministère où les vérités les plus terribles doivent être toujours tempérées par la grâce supérieure de Dieu. Je ne puis assurer si j'ai confessé le plaignant, mais si cela est, je le défie encore de produire un seul témoin qui confirme la plainte. Il est vrai qu'il se contente de dire que son épouse seule l'a entendu de sa maison, comme mon confessionnal ne manque pas de témoins, il aurait fallu les nommer".

 

L'affaire Chatel

 

Chatel est un marchand de la rue du Château. Le 10 mai 1805, il écrit à Son Excellence Portalis, ministre des Cultes, dans un langage clair mais au texte entaché de fautes d'orthographe : "Je viens exposer à votre Excellence, que pendant le saint temps du jubilé, j'ai désiré profiter des indulgences et des trésors que l'église de France a ouverts à tous ses fidèles. Monsieur Delcros, curé du canton de Vic, m'a refusé ses grâces et m'a fermé le tribunal de la pénitence en me disant à ce même tribunal que j'étais hors de l'église et exclu de toutes les prières qui s'y font jusqu'à ce que j'aie fait réhabiliter par lui-même le sacrement de mariage qui me fut administré le mois de juillet 1792, par le curé légalement élu par l'assemblée électorale et installé par la municipalité, conformément aux vues de la loi. Il m'a prononcé ces mots (que j'étais hors de l'église) d'un ton si élevé que des personnes qui y étaient ont pu l'entendre et en faire part à mon épouse qui depuis lors ne veut plus habiter avec moi...".

 

Dans cette longue lettre, Chatel ajoute que tout ce qui a été administré dans l'église de Vic, depuis le curé Rivière, député du clergé pour les Hautes-Pyrénées, jusqu'à l'arrivée de Delcros Terrats est frappé de nullité. Une instruction de l'évêque approuvée par le gouvernement a été distribuée aux paroissiens abasourdis, dit-il. L'épouse de Chatel ne veut plus habiter avec son mari. Elle tient absolument à divorcer et se remarier à l'église "civillement et espirituellement" comme l'écrit son mari. Celui-ci veut bien d'une seconde bénédiction nuptiale mais une lettre pastorale de l'évêque le défend expressément sous peine d'être "hors de la communion et de l'église". Le marchand saisit le maire Combessies qui alerte le préfet Chazal. Les deux autorités civiles précitées n'ont pas autorité sur le texte du Concordat et s'en remettent à M. le Ministre.

 

Et Chatel de conclure : "La contrariété d'opinion religieuse entre monsieur l'évêque de Bayonne et monsieur le curé de Vic alarme ma conscience, trouble mon ménage et me nécessitent de recourir à votre Excellence pour la supplier de (se) prononcer. Quelle que soit la décision de votre Excellence, je l'accueillerai avec respect et ma famille en partagera les avantages et de concert avec elle nous ne sesseront (cesserons) de faire des vues au Ciel, à l'honneur de votre Excellence, amen".

 

Cette affaire fait grand bruit à Vic-en-Bigorre. Portalis écrit à Monsieur l'Évêque de Bayonne, en juin, juillet et août 1805, pour l'inciter à fustiger la conduite du curé Delcros Terrats. L'évêque répond qu'il lui a recommandé de "modérer son zèle et d'être plus circonspect à l'avenir dans ses instructions". Le Ministre se déclare très satisfait, en son nom propre et au nom du Préfet des Hautes-Pyrénées. Un an plus tard, le 9 juillet 1806, le Ministre écrit à nouveau à "Monsieur l'Évêque de Bayonne" : "Il résulte des renseignements qui me sont transmis par le ministre de la Police, que M. Delcros Terrats, se permet d'établir dans les cérémonies du baptême, des différences entre les enfants nés en légitime mariage de parents qui ont fait bénir leur union par l'église et ceux dont les parents n'ont pas reçu la bénédiction nuptiale qu'il qualifie de bâtards. Il fait annoncer le baptême des premiers par le son des cloches et il défend, dit-on, de les sonner pour les seconds. On ajoute qu'il étend aux enfants nés de mariages bénis par les prêtres dits constitutionnels, la défense dont il s'agit. Ces différences excitent de vives réclamations de la part d'un grand nombre de paroissiens et je ne puis que vous inviter, Monsieur l'Évêque, à les interdire expressément au curé de Vic, d'autant plus que votre ordonnance du 16 février 1803 que j'ai sous les yeux et dont il doit lui avoir été donné communication n'autorise le son des cloches pour aucun baptême. J'ai l'honneur de vous saluer, Monsieur l'Évêque, avec une considération distinguée".

 

Le nouveau curé de Vic-en-Bigorre fait parler de lui dès son entrée en fonction. C'est un caractère entier, inflexible, voué corps et âme à son apostolat. Il est à Vic-en-Bigorre, en terre de mission. Voici un texte, sans date, qu'il a écrit pour un sermon, en chaire de vérité, comme l'on disait alors, sur le thème : "Qu'est ce que la religion ?"

 

"L'affaire la plus importante que les hommes aient sur la terre, c'est de connaître Dieu et Jésus-Christ et de se connaître eux-mêmes. C'est-à-dire de connaître ce qu'ils sont, pourquoi ils vivent, ce qu'ils doivent devenir après cette vie et ce qu'ils ont à faire pour être véritablement heureux, en un mot de savoir la religion et de vivre conformément à ce qu'elle prescrit. Jésus-Christ en apportant au monde sa religion s'est proposé d'instruire les hommes et de les rendre meilleurs. En effet, elle nous instruit de nos devoirs envers Dieu, envers les autres hommes et envers nous-mêmes.

 

La religion est le lien qui attache l'homme à Dieu et à l'observation de ses lois par les sentiments de respect, de soumission et de crainte qu'excitent dans notre esprit les perfections de l'être suprême et la dépendance ou nous sommes de lui comme de notre créateur.

 

La religion chrétienne a en particulier pour objet la félicité d'une autre vie et fait notre bonheur dans celle-ci. Elle donne à la vertu les plus douces espérances, au vice impénitent les plus justes alarmes et au vrai repentir les plus puissantes consolations mais elle tache surtout d'inspirer aux hommes de l'amour, de la douceur, de la pitié pour les hommes. 

 

La religion éclaire, guide, rassure et console le fidèle. Aux yeux de l'incrédule, elle ne présente qu'obscurité, difficulté et contradiction. Autant est-il nécessaire que Dieu soit honoré et que la créature soit dépendante, autant est-il essentiel qu'il y ait une religion. 

Sans religion l'homme reste le jouet de ses caprices, la victime infortunée de ses passions, de ses doutes et de ses erreurs.

 

Sans religion l'homme ignore ce qui lui importe le plus de savoir, il ne connaît ni son principe, ni sa fin, il ignore même de quelle manière il existe.

 

Sans religion il n'y a ni autorité, ni subordination, ni pouvoir, ni véritable obéissance. Si l'on ne craint le roi des rois, le seigneur des seigneurs, le maître abusera de son autorité et l'inférieur n'obéira qu'en esclave, la crainte empêchera une révolte, la religion les prévient toutes.

 

Sans la religion qu'y a t il de sûr dans le commerce ? Sans elle quel cœur ne s'écartera jamais de l'austère vertu ? Point de probité sans religion. La religion est le principe sur lequel tous les devoirs qui sont la vraie probité peuvent être sûrement établis. Ainsi quand Dieu nous commande de l'adorer et de ne servir que lui seul, il n'exclut pas les devoirs de la vie civile ; au contraire, il veut que nous rendions à chacun ce qui lui est du, l'honneur à qui appartient l'honneur, le tribut à qui est du le tribut, la religion nous apprend à faire tous les jours des vœux pour ceux qui nous gouvernent, la religion apprend à servir dans les armées avec une fidélité inviolable, à payer exactement et les tributs et les impôts publics. 

 

Point de religion sans probité, c'est-à-dire sans une conduite irréprochable devant les hommes et sans une exacte régularité à remplir les devoirs de la vie civile. 

 

L'apôtre prononce absolument qu'une telle religion est une religion vaine, la vraie religion continue le même apôtre consiste a être équitable, généreux, reconnaissant, soumis et obéissant, ce n'est autrement qu'un fantôme de religion.

 

Un peuple qui vit sans religion tombe dans l'aveuglement et s'endurcit dans le crime.

 

Puisque concluent les saintes pensées, la religion est si utile pour la vie présente et si nécessaire pour la vie future, s'il reste encore quelque zèle pour notre religion, vivons d'une manière non seulement qui lui fasse honneur mais qui la fasse aimer de ceux mêmes qui pourraient lui être le plus opposés, par ce moyen notre destinée sera différente de celle des infidèles".

 

Lettre du 19 juillet 1806

 

Monsieur, mon cher Honnert,

 

"Je vous remercie de votre honnêteté, il n'y a eu qu'une seule dénonciation contre moi à ce sujet. C'est de la part d'un quidam qui n'était marié que civilement. J'ai suivi à son égard l'usage ancien de la paroisse contre lequel personne n'avait réclamé jusqu'ici. Tout ce qu'on ajoute des enfants issus de mariages bénis par les prêtres constitutionnels est faux. Mon plus grand ennemi est M. le P.....Mgr. l'évêque ferait bien de le satisfaire en me donnant un successeur qui peut lui convenir. Comme je ne suis ici que pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, je me retirerai comme un véritable ministre de Jésus-Christ, la croix à la main. M. Lamarque (vicaire général) a ma défense que je lui ai fait passer dans le temps. Au surplus, Dieu a béni mon ouvrage en refusant le son des cloches à un fils de M. Voyer qui est celui qui me dénonce, puisque ce monsieur qui ne voulait aucunement entendre de bénédiction nuptiale, il l'a reçue le 8 courant. Monsieur, votre dévoué serviteur". Delcros Terrats, curé.

 

P. S - "Au reste, je défie qu'on me prouve que j'ai jamais qualifié aucun enfant de bâtard (affaire Chatel). D'ailleurs, il ne peut y avoir différence dans les cérémonies pour aucun, mais on voudrait me nuire et compter que je désire ardemment sortir de la galère où je me trouve ; aussi, il n'y aura pas grande résistance de ma part".

 

Lettre du 1er novembre 1806

 

Monsieur, mon cher Honnert,

 

"Je présume qu'on veut me forcer à quitter Vic puisqu'on ne m'envoie pas le moindre secours. Je vous avoue que je suis accablé de travail et très fatigué de ma charge. Je ne saurais trouver de meilleur garant pour faire agréer mes profonds hommages à Mgr. l'évêque. Je suis dans les mêmes sentiments, monsieur, mon cher Honnert". Delcros Terrats, curé.

 

Note : De par la nouvelle division ecclésiastique de 1803 - article 9 du Concordat - la justice de Paix de Vic-en-Bigorre a une cure et cinq succursales. Caixon et Nouilhan sont desservis par un prêtre constitutionnel, François Cazaux, Artagnan est desservi par un curé non jureur, Michel Lapeyre, Pujo, Saint-Lézer et Sanous ont un prêtre jureur mais ayant rétracté avant le Concordat, Pierre Ribaut, Camalès a un prêtre non jureur, Jean-Nicolas Daveran et Andrest, Siarrouy et Talazac ont Pierre Gey, non jureur. Joseph Delcros Terrats a autorité sur eux et leurs rapports ne seront pas toujours faciles. Marsac et Villenave près Marsac seront rajoutées à ces cinq succursales.

 

La visite de Monseigneur

 

La visite pastorale de la paroisse eut lieu le 17 septembre 1807. Le procès-verbal de cette visite nous renseigne sur les éléments matériels de l'église Saint-Martin et pas du tout sur l'état d'esprit de ses desservants ou sur "la valeur morale et religieuse des paroissiens".

 

Ainsi, nous apprenons que le ciboire d'argent est "propre, très bien tenu et recouvert d'un voile de Damas cramoisi, galonné en or". Que la custode, pour porter le saint sacrement aux malades, fait d'un soleil pour exposer le saint sacrement et en donner la bénédiction au peuple est aussi d'argent "très propre et d'un assez bon goût". Que le calice avec sa patène est d'argent et "fort joli" mais qu'un autre, plus petit, est "fort usé et très petit".

 

Le mobilier de l'église est minutieusement inspecté. Sur le tabernacle qui est sur le maître autel, il y a "deux adorateurs et une gloire de bois doré qui auraient besoin d'être rafraîchis. Le retable qui représente Saint Martin, patron de la paroisse, est en bois doré. Sur l'autel, la croix avec son Christ est en bois doré". Les six chandeliers, de même. L'autel est en marbre, bien pourvu en linge, mais il aurait besoin de quelques réparations. Le tapis pour couvrir l'autel est "décent". Le marchepied de l'autel aurait besoin aussi de quelques réparations. Il y a une lampe de cuivre blanchi devant l'autel "assez décente". Elle brûle nuit et jour et "on fournit à son entretien par le produit des chaises de l'église". Il y a une clochette de fonte de "moïenne grandeur". Il y a quatre burettes de verre commun "assez propres". Le sanctuaire est éclairé par quatre fenêtres. Le balustre pour la communion est en bois et en très mauvais état. Les vaisseaux pour les saintes huiles se tiennent dans la sacristie. Les fonts baptismaux sont placés sous la tribune, "tout y est dans le plus grand ordre et bien tenu, les alentours auraient besoin de quelques réparations". La sacristie est apparue "très obscure, très petite, très incommode sous tous les rapports et surtout très mal placée". Dans la dite sacristie, il y a trois missels dont un "presque neuf et deux autres usés" et un pupitre. Il y a deux cahiers pour les morts en "assez mauvais état" , trois rituels "dont un grand en mauvais état, les deux autres petits", un graduel "assez bon", un antiphonaire "aussi assez bon" et un catéchisme neuf. Les visiteurs ont trouvé les registres de baptêmes, mariages et sépultures "très bien tenus". Quant au linge, il y a 12 corporaux, 54 purificatoires, 11 palles, 10 nappes d'autel, 5 nappes pour la communion, 38 essuie-mains pour l'autel, 14 amicts, 9 aubes, 9 cordons et 7 surplis dont la proportion de "bons" ou "usés" est assez égale. Il n'y a point de bonnet carré.

 

Le chapitre des ornements est plus fourni. Il y a 20 chasubles dont une de satin blanc galonnée de soie jaune "assez usée". Quatre rouges, la première de Damas galonnée en or, la seconde de satin galonnée en soie jaune, la troisième de velours ciselé brodée et la quatrième de laine galonnée de fil. Deux vertes, la première de soie galonnée de soie et la seconde de laine galonnée de fil. Quatre violettes, la première de Damas garnie d'une dentelle d'argent, la seconde de laine galonnée de fils, les deux autres de Damas, l'une galonnée en soie jaune, l'autre sans galon. Six de toutes couleurs, la première de drap brodé en or garnie d'une dentelle en or, la seconde d'un drap de soie sans galon, la troisième de laine galonnée de soie et les trois autres de soie galonnée. Et enfin, trois noires dont deux de soie et la troisième de laine. Chacune de ces chasubles, en général, est avec son étole, son manipule et son voile, le tout est en assez bon état.

 

Deux étoles de toutes couleurs pour l'administration des sacrements, quatre chapes dont la première de drap de soie brodée en or galonnée en soie avec la rotonde à frange d'or, la seconde de satin de toutes couleurs, la troisième de Damas vert sans galon et la quatrième de Damas noir, quatre tuniques avec ses dalmatiques dont deux de drap de soie de toutes couleurs sans galon et deux autres de drap brodé en or garnies d'un ruban. Il n'y a pas de parements d'autel mais il y a deux écharpes, pour donner la bénédiction du très Saint Sacrement, en taffetas blanc dont l'une à crépine d'or "assez propre" et l'autre très usée, un tour de dais pour la procession du Saint Sacrement "qui n'est guère décent" et le bois du dais "n'est pas non plus fort joli".

 

La croix processionnelle est en bois, sans Christ, trois bannières, un encensoir avec sa navette et une petite cuiller pour l'encens, en laiton, "dans le plus mauvais état possible". Une lanterne de fer blanc pour accompagner le Saint Sacrement, un drap mortuaire "assez bon", un bénitier portatif de fer blanc "qui ne vaut rien", deux goupillons de bois garnis de poil, quatre cierges pour le service divin les jours de dimanche et six les jours de fêtes solennelles, un éteignoir de fer blanc, une boite pour tenir les hosties en fer blanc et pas de croix pour l'Extrême-onction.

 

La nef a besoin de grandes réparations. Oui car le 27 mars 1803, la clef de voûte cèdait et détruisait une partie du sanctuaire, enfonçait le carrelage et brisait la boiserie du chœur. Des pans de l'arc-doubleau s'écroulaient aussitôt, défonçant les vieux tombeaux des chapelles. Il y a une chaire à prêcher "un peu délabrée", une tribune en "assez bon état", des bancs "dans le plus mauvais état possible" et des vitraux qui "exigent également des réparations".

 

Il y a quatre confessionnaux dont deux "assez bons" et les deux autres "très vieux". Il y a trois portes dont deux grandes et une petite, deux bénitiers fixes de marbre "tenus assez proprement" et point de tombeaux - ils ont été brisés - cinq chapelles dont deux à droite et à gauche du maître-autel, les trois autres dans les bas-côtés de l'église. Les deux premières connues l'une sous le nom de Notre-Dame de l'Assomption et l'autre sous celui de Saint Jean-Baptiste sont "assez décentes", les nappes, le te igitur, "tout y est dans l'ordre, en général, elles ont cependant besoin de quelques réparations". Quant aux trois autres, connues l'une sous le nom de Notre Dame-de-Pitié, l'autre sous celui de Notre Dame-du-mont-Carmel et la troisième sous celui de Saint Eutrope "auraient besoin de grandes réparations".

 

La commission épiscopale passe alors à l'extérieur et déclare que les murs sont "en assez bon état", le porche "passable", le clocher "a besoin de grandes réparations" - ces travaux seront faits en 1811 - et deux cloches se balancent au mur pignon à quatre arcades servant de clocher gothique toulousain. La charpente et le toit ont besoin "de grandes réparations". Le cimetière - accolé encore au mur pignon occidental - a été trouvé en bon état.

 

Pour ce qui concerne le temporel de l'église Saint-Martin, la Fabrique n'a pas de dettes et les confréries se nomment du Saint Sacrement, Saint Jean et Saint Eutrope. On n'y célèbre aucune dévotion ou fête particulière et il n'y a pas de reliques. Quant aux offices, on y chante les vêpres, à deux heures et demie ou trois heures, tous les jours, et la messe de paroisse se chante aussi quotidiennement, à neuf heures et demie ou dix heures. On y pratique des processions pour les jours de Saint Joseph, de Saint Roch et des saints Fabien et Sébastien. Il est dans l'usage d'y exposer le Saint Sacrement en dehors de l'Octave de la Fête-Dieu - les jours du Sacré Cœur, du dimanche qui suit le jour de Saint Eutrope et de celui qui suit la décollation de Saint Jean-Baptiste. On s'enquiert, enfin, de savoir s'il y a des chapelles supplémentaires et il est répondu affirmativement pour Saint-Lézer et Sanous mais qu'elles n'ont pas le caractère de succursales, rurales ou domestiques et qu'il y a trois mille communiants.