BERTRAND BARERE DE VIEUZAC

Les notables tarbais

 

Limites départementales encore incertaines, Lacay, maire de Tarbes, réunit son conseil politique, le 19 décembre 1789, pour leur apprendre que des émissaires de la sénéchaussée d’Auch faisaient « des démarches dans la vallée d’Aure - elle relève des Quatre Vallées - pour l’engager à solliciter de l’Assemblée nationale d’être annexée au département d’Auch ». Mais l’heure est à l’optimisme, nous affirme José Cubero. Lacay croit en la sagesse de l’assemblée nationale et Tarbes exprime, une nouvelle fois, sa gratitude à ses représentants, à Paris, pour « leurs soins infatigables ». M. le Maire, tout en exprimant « l’adhésion la plus formelle aux décrets de l’Assemblée nationale qui ont été rendus ou qui pourront l’être à l’avenir » n’en demande pas moins « un département dans la Bigorre » et « un Conseil souverain dans la ville de Tarbes ». Jean Ladrix, procureur au présidial d’Auch, originaire d’Arreau, ne parvient pas à détourner l’adhésion des Quatre-Vallées à la Bigorre. Une délégation toulousaine en « visite » à Galan, Boulogne-sur-Gesse et Montréjeau, échouera. Les projets de découpages définitifs des départements sont clos, le 12 janvier 1790. Le 4 mars, le décret est promulgué et les Hautes-Pyrénées, petit département de 4534 km2 voit le jour. L’historien précise : « Le découpage s’est appuyé sur les anciennes limites de provinces. Barère a cependant obtenu, contre tous les principes et sans rien céder aux Béarnais, le maintien des enclaves de Gardères et Séron afin d’y maintenir les droits d’usages - deux enclaves regroupant cinq communes. En revanche, Boulogne-sur-Gesse, Montréjeau et Saint-Bertrand de Comminges lui échappent. Labarthe-de-Neste a pu écarter Montréjeau qui lui aurait ravi les fonctions de chef-lieu de district ». Saint-Gaudens et Saint-Girons ont échoué dans la création d’un département des « Pyrénées-Centrales ». Les deux « dynamiteurs » étaient Barère, influent dans le Comminges, et Vadier qui entendait annexer Saint-Girons à « son » Ariège. Dès lors, « Toulouse pouvait recevoir quelques gages qui, en s’insinuant dans le couloir garonnais et, en annexant Montréjeau, favorisait ainsi les ambitions de Labarthe-de-Neste ».

Les enjeux locaux

 

Les Hautes-Pyrénées deviennent l’un des 83 départements français et comprennent 5 districts. Tarbes devient le chef-lieu du département et du district de la Plaine, Vic-en-Bigorre pour le district de la Rivière-Basse, Bagnères-de-Bigorre pour le district de l’Adour, Labarthe-de-Neste pour le district de la Neste. Lourdes (2800 hab.) et Argelès-Gazost (713 hab.) se disputent le chef-lieu du district du Gave. Barère et Dupont de Luz sont sollicités, dès le 13 janvier. La Constituante tranche en fixant le siège et l’administration du district à Argelès et le tribunal à Lourdes. Les argelésiens sont furieux après Barère. Lourdes l’assure de « l’estime publique que son talent et son patriotisme lui ont méritée ». José Cubero fournit des précisions indispensables : le Conseil général est composé de 36 membres élus pour 2 ans et renouvelables. Sont éligibles les citoyens payant une contribution directe égale à 10 jours de travail. Issu du Conseil général, un Directoire départemental de 8 membres rétribués joue le rôle d’agent d’exécution, coiffé par un procureur général syndic, représentant le Roi, élu pour 4 ans et une fois rééligibles par les mêmes électeurs. Conseil et Directoire, organes administratifs, géreront les contributions, l’assistance, les écoles, les ponts et chaussées et les prisons. En résumé, la loi du 14 décembre 1789 a fait de chaque paroisse une commune dotée d’une municipalité. La Constituante a créé un autre échelon : le canton. Ce dernier est le ressort des juges de paix et réunit les assemblées primaires des citoyens payant une contribution directe égale à 3 journées de travail et les autres, trop pauvres, n’ont pas le droit de vote. « La première assemblée électorale départementale réunira 288 citoyens au couvent des Cordeliers, à Tarbes, le 17 mai 1790. Par lettres anonymes, Barère est critiqué, dès janvier. Le 22 mai, premières élections municipales. À Saint-Pé-de-Bigorre, un imprimé anonyme a demandé l’exclusion des aristocrates, nobles et prêtres. À Vic-en-Bigorre, certains nobles jugés indésirables ont été insultés. À Bernac-Debat, les habitants des campagnes ont durement menacé les prêtres de les noyer ou de les hacher ».

L’inventeur des H.P

 

Le 5 juin 1790, les administrateurs des districts sont élus : 10 pour la Plaine, 9 pour la Neste, 7 pour le Gave et 5 pour l’Adour et la Rivière-Basse. Castéran, vicaire épiscopal, archiprêtre de la Sède, l’emporte au 3e tour de l’élection au Procureur général syndic. José Cubero précise que « son adversaire malheureux est l’abbé Pierre Anastase Torné, prêtre doctrinaire, qui connut ses heures de gloire en prêchant, à Versailles, lors du carême en 1774, et en prononçant l’oraison funèbre de Louis XV. Il sera élu évêque constitutionnel de Bourges et député du Cher à la Législative. Il joua un rôle important au sein de la Société Populaire de Tarbes sous la Convention ». Le 15 juin, Les assemblées de districts ont élu leurs Conseils, leurs Directoires et leurs procureurs généraux syndic. À la fin de son dernier chapitre, l’historien rappelle l’œuvre de la Constituante « extraordinairement durable » qui marque toujours notre territoire. La solution à la rivalité Lourdes et Argelès est toujours là : Argelès est devenu une sous-préfecture et le tribunal d’instance est toujours à Lourdes. Autre effet positif : la Constituante a refusé toute remise en cause. « Ainsi, elle a rejeté la demande de l’administration haut-pyrénéenne qui, à peine élue, tente d’élargie son territoire. En juillet 1790, 11 communes du Gers sollicitent le rattachement aux Hautes-Pyrénées. Refusé. Elle appuie la démarche de Montréjeau qui, dans la Haute-Garonne, accepte mal la tutelle de son chef-lieu de district implanté à Saint-Gaudens. En septembre 1790, la Constituante rejette la demande des communautés de la Barousse qui souhaitent être rattachées à la Haute-Garonne ». L’historien estime que cette assemblée nationale a œuvré avec équité et maintenu les limites départementales. Pour conclure : « Par la volonté d’un homme - et peut-être d’un clan - la Bigorre a assuré sa survie en « annexant » pour atteindre une indispensable masse critique tant par la superficie que par la population, d’indispensables territoires périphériques au nord et à l’est ». Trop critiqué sans doute, son titre de gloire, reconnu par les Bigourdans de son époque, est d’avoir été « l’inventeur » des Hautes-Pyrénées.