L'HOSPICE DE VIC-EN-BIGORRE

Texte : Joseph Verley

Les lettres patentes

Nous n'en avons qu'une copie de copie, signée par Roger, le syndic de l'Hôpital. S'il existe encore, l'original doit se trouver aux archives du Parlement de Navarre, à Pau.

Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à nos amés et féaux conseillers les gens tenant notre cour de Parlement, chambre des comptes, aides et finances à Pau, président et trésorier de fiance au bureau de nos finances établi aud lieu et à tous autres nos officiers et justiciers qu'il appartiendra, Salut. Nos chers et bien-aimés les administrateurs de l'hopital de Vic en Bigorre nous ont très humblement fait représenter que l'hopital de Vic est dans un tel état de ruine et de dépérissement qu'il ne leur est plus possible di loger les pauvres malades qui si réfugient pour recevoir les secours convenables et propres à leurs maladies, que d'ailleurs cet hopital est situé sur la place où se tient le marché public dont le bruit incommode les malades et qui est environné de maisons très élevées qui empêchent la libre circulation de l'air dans les infirmeries et entretiennent l'humidité dans le rez-de-chaussée, que ses inconvénients ont déterminé les exposants à le transférer dans un lieu plus tranquille, plus saint et qu'ils n'en ont pas trouvé de plus propre à remplir des vues aussi louables que le batiment et emplacement dont le sr Larré a fait l'acquisition le trois octobre mil sept cent soixante dix huit moyennant la somme de trois mille livres mais qu'il pourroit éprouver de la difficulté de la part de cet acquéreur si nous n'avions la bonté de leur accorder la cession de notre droit de prélation, mais comme l'emplacement sur lequel est actuellement construit l'hopital dont (ils) l'administration se trouve d'une valeur suffisante pour rembourser le sieur Larré du prix de son acquisition et que c'est sur le terrain par lui acquis qu'ils désirent de faire transférer led hopital, ils nous ont en même temps fait supplier de leur permettre d'aliéner led terrain et les batiments dépendant à la charge par eux d'employer le prix qui proviendra de la dite aliénation au remboursement dud sieur Larré».

....Si vous mandons que ces présentes vous ayez à faire registrer du contenu en icelles, jouir et user les exposants pleinement et paisiblement cessant et faisant cesser tous troubles et empêchements contraires, car tel est notre bon plaisir. Donné à Versailles, le sixième jour de l'an de grâce mil sept cent soixante dix neuf et de notre reigne le sixième». Louis, signé par le roy, Amelot, signé.

On vend le vieil hôpital

Très vite, on ferme le vieil hôpital, on licencie le personnel et notamment Laburthe, le chirurgien, on ne nous parle pas d'Annette la boiteuse, l'hospitalière. Et on le met en vente: c'est fait dès le 15 décembre 1779.

Le maire, M. de Ramonjean, annonce aux autres membres qu'il a été adjugé pour 3750 livres au sieur Constance. C'est faux. Il faut se reporter à l'acte de vente, passé devant le notaire Dupont, le 12 Janvier 1780. Constance - ou plus exactement Sabatéry - Constance - n'a acheté que le jardin, pour 750 livres. L'Hôpital lui-même, bâtiment et cour, est vendu au sieur Sahuc pour 3000 livres. Il n'y a eu de véritables enchères que pour le bâtiment ; pour le jardin, Constance semble avoir été seul ; vu la disposition des lieux, il ne pouvait guère en être autrement.

Sahuc et Constance sont l'un et l'autre mitoyens de l'Hôpital : Sahuc à l'angle de la rue de Silhac, Constance, la troisième maison de la rue, celle qui a sept fenêtres de facade à l'étage - bâtie ou rénovée en 1772 : il y a eu des problèmes de mitoyenneté à régler avec l'Hôpital. Entre les deux, la maison plus étroite du sieur Dubertrand, dont le four fait saillie sur la cour de l'Hôpital. Des trois, Constance est le seul qui ait un jardin, il enferme déjà le jardin de l'hôpital par l'orient et par le midi. La maison de Sahuc sera démolie en partie en 1792, en même temps que la chapelle. Il n'en reste qu'une porte à l'entrée de la rue de Silhac ; il y avait certainement des fenêtres à la gauche de cette porte. Le tout sera englobé avec les restes de l'Hôpital, lors de la construction de l'Hôtel de France au XIXe siècle.

 

La construction du nouvel Hopital
 

7/6/1780 - «De plus il a été délibéré d'une voix unanime que M. Rivière, curé, et Bouvet, consul, sont priés de faire faire un plan et devis estimatif pour la construction du nouvel hospital par telles personnes qu'ils jugeront à propos et ce aux fraix dud hopital, lequel plan et devis estimatif ils auront la bonté de remettre sur le bureau pour y être statué ce que de raison».

On commence par acheter six arceaux de pierre de marbre provenant de la démolition du château de Séméac (1). Deux ans plus tard, ils ne seront toujours pas payés. Ce sont deux maçons de Rabastens : Pierre Pologne et Antoine Lavau (ou Laban) qui sont chargés de ce travail. Nous avons leurs signatures à plusieurs reprises sur le registre des délibérations, ce sont celles d'illettrés, surtout celle de Laban. Bizarrement, on commence la construction par ces six arceaux ouvrant sur une terrasse qui domine le jardin de six marches. Les fondations descendront à cinq pans (1 m 12). Et le chantier va se continuer sous la forme que nous appelons de nos jours “en régie”. L'Hôpital achète les matériaux, les maçons ne fournissent que leur travail. Ce sont toujours Pologne et Laban, avec qui on passe un nouveau contrat le 28 mars 1781, pour le prix modique de 180 livres. Il faut préciser que c'est aussi l'hôpital qui paie directement les manœuvres chargés de faire le mortier.

Il faut des poutres de quarante pans (9 m) soit la largeur de la salle des malades, plus celle de la terrasse derrière les arceaux On achète douze chênes à M. l'abbé de Tarride, d'autres encore à M. le comte de Parabère. Il faut payer les bûcherons qui ont abattu les arbres et les ont équarris sur place. Et les voituriers qui ont fait le charroi. Menin Fauquière livre du sable et des cailloux pour un total de 51 L 10 s. On achète deux chars de planches, des chevrons, de l'ardoise qu'on fait venir de Labassère, de la mieux conditionnée. Et de l'ardoise pour les “parties d'orient et d'occident”. Les deux pentes principales, du midi et du septentrion, seraient-elles en tuiles ? Cela expliquerait que nous retrouvions ces tuiles sur la photo de 1910. Mais l'achat de tuiles n'est pas mentionné. Enfin on creuse un puits.

 

La Révolution

 

Un inventaire de 1795 commence par décrire le bâtiment : «Une maison batie sur six arsau en pierre marbre auec un clair-voir sur le devant consistant en deux grandes chambres pour les malades plus une chambre au levant avec une cave plus une chamobre au couchant le tout rez-de-chaussée, plus deux chambres sur le haut et un grenier plus un jardin devant et au midi de la maison deux chambres servant à faire le pain et la lecive en entrant au portail de la ditte maison qui est toute neuve en très bon état et entourée par de bonnes murailles».

Le portail est donc au midi, sur l'actuelle rue des Ecoles. De chaque côté du portail, des locaux de service : fournière et buanderie. Les arceaux sont fermés par un “clair-voir”, un treillage de lattes de bois, ajouté dès 1788 pour empêcher les malades de sortir dans le jardin. La salle principale n'est qu'un rez-de-chaussée avec des annexes à droite et à gauche. Le pavillon de droite - vers l'est - comporte un étage et une cave. Il faut logiquement y voir la cuisine. L'étage sera, vingt ans plus tard, le logement des religieuses.

 

La chapelle

 

Le curé Rivière mentionne sommairement au 8° de son programme : «garnir l'autel de choses nécessaires pour pouvoir y dire la messe”. L'inventaire de 1795 l'ignore. Elle n'apparaît vraiment qu'en décembre 1829, lorsqu'on envisage d'autoriser le nouvel aumônier du collège à l'utiliser “pour y exercer ses fonctions”. On accepte sans enthousiasme, en précisant qu'il serait bien mieux à l'église paroissiale, bien plus vaste : elle accueillait avant la Révolution un curé, deux vicaires et six prébendiers. Ce n'est d'ailleurs que provisoire, on va bâtir une chapelle au collège.

 

Le 30 mars 1835, il n'y a pas encore sept ans que le nouveau bâtiment est construit que, déjà, la sœur supérieure vient se plaindre qu'il est mal commode. On a gardé la grande salle pour les femmes et mis tous les hommes dans les deux salles du nouveau bâtiment; mais c'est isolé du reste, il faut sans cesse traverser la cour, la surveillance est difficile. La sœur supérieure vient dire qu'elle a reçu des dons de personnes charitables; elle se charge de faire construire une nouvelle salle de dix lits. Celle-ci, longue de 13 m 30 et large de 6 m 50, sera perpendiculaire aux deux précédents bâtiments qu'elle réunira, avec une façade à l'est. Elle aura une porte et deux fenêtres et sera chauffée par un poêle. Le devis se monte à 2.329,25 F.

Mais la sœur supérieure réclame aussi de nouveaux travaux aux frais de l'Hospice : on va aménager un office qui servira aussi bien pour la pharmacie et le matériel de soins que pour le petit matériel de service; il va se situer entre la cuisine et la grande salle, mais on ne nous dit pas clairement laquelle des deux on va réduire d'autant. Et surtout, on reparle de l'escalier déjà promis en 1821 : “vu l'incommodité et le délabrement et même le danger que présente l'escalier qui sert pour monter au logement des sœurs”. Une nouvelle fois, on promet de le déplacer. Cinq ans plus tard, le 30 avril 1840, l'escalier est toujours dans le même état.

 

En 1846, on installe une cheminée à la prussienne dans la salle des délibérations, dont nous ignorons l'emplacement. En 1847, on aménage le grenier pour y entreposer les provisions. En 1849, on agrandit la salle d'école des filles. En 1851, on construit un fourneau à deux marmites et une souillarde. En 1861, ce sera l'école publique de garçons construite sur l'emplacement de l'Hospice qui va partir à l'Hôtel de Journet.
 

(1) - Le château de Semeac a été construit vers 1680, par Henri de Grammont, comte de Toulonjon, marquis de Semeac et vicomte d'Asté, gouverneur de Bigorre : “Un chateau magnifique, accompagné de superbes jardins, d'orangeries, de bosquets et promenades délicieuses”.