HOPITAL SAINT-JACQUES
Les origines
L'absence de documents antérieurs à 1568 fait que les origines de l'Hôpital de Vic-en-Bigorre ne peuvent guère donner lieu qu'à des conjectures.
Norbert Rosapelly le rattache à un “Hospitium” possédé en 1402 par les moines de l'abbaye bénédictine de Saint-Lézer, et situé dans l'enceinte de la Ville, sans doute à proximité de
l'église. Ce n'est qu'une hypothèse, car les moines ont aussi totalement disparu de la gestion de l'Hôpital, et ce, bien avant les guerres de Religion. Dès 1429, le Censier de Bigorre signale des
redevances dues à “l'Espitau” considéré comme une personne morale distincte, et non aux moines de Saint-Lézer.
Quand, en 1489, la confrérie de Saint Jacques est fondée dans la chapelle de l'Hôpital pour les
soins aux malades et les secours aux pélerins, il n'est absolument pas question des moines de Saint-Lézer; évidemment, les statuts - en gascon - que nous reproduit Rosapelly ne sont qu'une copie,
datée de 1614; mais le respect manifesté en toute occasion pour les textes et contrats anciens ne nous autorise pas à supposer une modification par rapport au texte originel. Donc, si l'Hospitium des
moines de Saint-Lézer est incontestable, ses relations avec l'Hôpital restent des plus incertaines. Il est plus prudent de se contenter de l'acte de notoriété du 22 février 1676 :
« ... Il y a dans la ville de Vic un hospital basty de temps immémorial avec une chapelle joignante fondé par lad ville pour l'entretien des pauvres malades... »
Jean Larcher, dans l'inventaire des archives de la ville, est tout aussi vague :
« L'Hotel-Dieu ou Hopital de Vic a été fondé par les libéralités des habitants de Vic ; il s'est conservé par l'économie des administrateurs. Il n'y avoit autrefois que les Consuls qui se
mélassent de son gouvernement, on délibéroit sur tout ce qui le concernoit dans le corps de ville. Comme le curé eut, dans les suites, la préséance quand il s'agissoit des affaires de l'Hopital et
qu'on ne crut pas convenable de le voir présider dans l'Hotel de Ville, on établit l'assemblée de direction dans la chapelle dudit hopital... »
«... Acte par lequel Jean Ricau, garde de la ville, déclare le 24 février 1620 estre redevable envers l'hopital de la somme de 150 L, savoir de cent livres prise actuellement et de celle de
cinquante livres empruntées dudit hopital en 1515. Je ne sais s'il y a faute dans l'acte, mais mil cinq cens quinze y est bien écrit...». Ou encore une lettre de 1727 à l'intendant. Celui-ci
transmettait les ordres du Roi pour enfermer les mendiants dans les hôpitaux “couchés sur de la paille, afin qu'ils tiennent moins de place, et nourris au pain et à l'eau”.
On répond : « L'hopital de la ville de Vic-Bigorre a été fondé par la piété des anciens habitans de ladite ville qui en différens tems ont légué des sommes ou des biens pour la rente d'iceux
être employée au soulagement et à l'entretien des malades de la paroisse. Ledit hopital n'a pour entretenir les malades qu'environ 900 livres de rente ». Il est composé d'une chapelle,
d'une chambre pour l'hospitalier, d'une grande chambre où il y a cinq lits, d'une autre chambre ensuite fort ruinée, d'une fournière, d'une décharge, d'une cour fort serrée et d'un petit corridor».
En 1743, dans le programme des travaux, il s'agit d'un simple rez-de-chaussée : «Premièrement, le sol de la chapelle est très bas, aussi bien que celui du logement des pauvres et de
l'hospitalier, ce qui fait que l'habitation est très acquatique et très mal saine et d'ailleurs étant très mal éclairée». Côté nord, l'Hôpital prend jour sur l'impasse, large de trois mètres à
peine, écrasée par la masse de la noble maison voisine, côté sud sur cette cour “fort serrée” : seize pieds de large = 5m, dans l'ombre des maisons voisines. L'entrée principale semble au
fond de l'impasse, où il subsiste un porche en arcade. Mais il y a aussi une entrée sur la place, du côté de l'ouest. Le 11 septembre 1744, la Ville autorise Jean Sahuc, menuisier, à bâtir jusqu'au
pilier du midi de la porte de l'hôpital, et de ce pilier jusqu'à la cour de la maison du sieur Dubertrand “à faux équerre”. Sahuc aurait même voulu avancer la “fermure” de sa maison
jusqu'au-dessus de cette porte. Il venait d'acheter à M. de Monda la maison qui fait l'angle de la rue de Silhac, autrefois logement du chapelain de l'hôpital. Sans doute faut-il situer derrière
cette porte le petit corridor.
La cour est plus longue qu'aujourd'hui : le bâtiment du fond semble bien avoir été construit pour
servir de remise à l'Hôtel de France, au XIXe siècle. La cour est fermée par un mur où une porte donne accès à un petit jardin. Nous n'avons pratiquement aucun renseignement sur ce dernier : le mur
de clôture est mentionné au moment des travaux de 1743. Le jardin n'apparaît vraiment qu'en 1780, quand on le vend au sieur Constance: il confronte du septentrion à l'impasse, de l'occident à la cour
de l'Hôpital, du midi et de l'orient, ce sont le jardin et la maison du sieur Constance qui l'enferment. Ce dernier occupe la troisième maison de la rue de Silhac, celle qui a une porte et cinq
fenêtres au rez-de-chaussée, sept fenêtres à l'étage. On peut donc être assuré que le jardin est fort petit. L'acte de vente ne donne pas la contenance. Si on se reporte au plan cadastral de 1808, ce
pourrait être la parcelle “ef”, soit environ 10 m sur 15.
Si petite qu'elle soit, la cour est fort encombrée : la réserve de bois - deux chars par an - un puits, les “lieux communs” au fond, adossés au mur du jardin. Le four du voisin Dubertrand y
fait une saillie. Le nommé Lamarque, le mari de Grassiette, l'hospitalière, trouvera encore le moyen d'y mettre un cheval et le fumier du cheval !
Travaux au XVIIe siècle
En 1617, on constate que l'Hôpital a besoin de réparations; on discute pour savoir qui, des marguilliers ou de la confrérie de Saint-Jacques, doit s'en charger.
Cinq ans après, rien n'est fait. En septembre 1622, Galiay, charpentier à Campan, fait un devis pour 1000 livres. C'est Beray, le syndic - qui est aussi consul pour 1624 - qui s'en chargera. Il
commence par rassembler des matériaux. Il s'inquiète de savoir s'il faut agrandir la chapelle, on décide le statu quo. C'est Blanchon, charpentier de Vic, qui fera le travail. Il recoit un acompte de
70 livres, en août pour “les emponts, deffaire le toyt de l'hospital, le portail et le rebastir et reffaire la muraille". Le maçon est un entrepreneur qui sur cette somme devra rémunérer un
ou deux manœuvres. Pour un seul ouvrier, le chiffre aurait été exorbitant pour l'époque : en 1622, les vendangeurs sont payés 3 sols par jour pour ceux qui travaillent au pressoir et seulement 6
liards soit 1 sol et demi pour 1 liard. Un siècle plus tard, en 1721, le Conseil de la Communauté taxe les salaires de journaliers à 4 sols de Pâques à la Toussaint, 5 sols de la Toussaint aux
Cendres et 6 sols des Cendres à Pâques.
Les travaux semblent avoir duré assez longtemps, car c'est seulement quatre ans plus tard, en 1628, qu'on renouvelle le mobilier, pour un total de 200 livres “meubles, lits, pailhasses et autres
choses nécessaires pour ledit hospital".
Le début du XVIIIe siècle
La série des délibérations de l'Hôpital, à partir de 1709, ne nous apporte pas grand-chose de plus. En 1722, les Dames de la Miséricorde achètent des draps de
lit. On se plaint de la malpropreté des hospitaliers, Bernad Bruzau et sa femme. Mais Bernad Bruzau est aussi valet de ville, depuis 1709. On ne lui donne que quinze livres par an de gages, au lieu
de trente «attendu qu'il a le logement à l'hôpital”. En 1727, les consuls empruntent de la literie pour loger les dragons et rendent “trois mathelas entièrement usés avec les toiles
entièrement brisées avec des traversins et couvertures hors d'état de servir tant elles sont usées”. On se plaint tout autant de Marie Fréchin qui a remplacé les Bruzau. Après elle, les Lafrance
: cela va mieux, le mari fait réparer les vitres de la grande salle et fabrique un “sceau” pour le puits.
Les travaux de 1743 - L'adjudication
En février 1743, Charles César de Bouchotte a obtenu du Roi la charge de maire de la ville. Pour l'Hôpital ses projets sont tout aussi grandioses : il faut le
rebâtir. C'est tout de même plus réalisable, et cela se fera... ou presque. La décision est prise le 15 juin 1743. On demande à Bayron, architecte à Tarbes, de faire un projet qu'il remet le 2
octobre. Il demande 24 livres d'honoraires, on lui en octroie 18. On met des affiches à Tarbes, Bagnères, Lourdes et Pontacq pour annoncer l'adjudication. Là-dessus, on renvoie au mercredi 13. Et
c'est un troisième larron, Hugues Dubertrand, qui enlève l'adjudication pour 1854 livres. Le registre des délibérations ne nous en dit pas plus. Il faut se reporter à l'acte notarié qui constate le
marché. L'acte a été passé par le notaire Abadie, le 29 novembre, dans la chapelle de l'Hôpital, devant tout un aréopage : ils étaient sept à représenter l'Hôpital : M. de Bouchotte, maire, Rocques,
consul, M. de Monda, M. Maigné de Sallenave, Carrère, médecin, Rocques, médecin, Pujo, syndic. Pour l'autre partie, Dubertrand se présente avec trois associés que nous n'avions pas vus lors de
l'adjudication : Redamil, Gaillard et Dours. Les témoins sont Ribis, baile et hospitalier et l'inévitable Jean Larcher. Des entrepreneurs, seul Dubertrand a signé .. et non les autres pour ne
"sçavoir". Gaillard mourra quelques années plus tard d'un cancer opéré aux frais de l'Hôpital, sa veuve fera partie des pauvres assistés. Redamil ne sera plus mentionné; Dours fera quelques
apparitions au début, mais c'est Hugues Dubertrand que nous allons retrouver pendant trente ans.
Le programme des travaux
On rappelle l'état des lieux : “Premièrement le sol de la chapelle est très bas, aussi bien que celui du logement des pauvres et de l'hospitalier, ce qui fait
que l'habitation est très acquatique et très mal saine, et d'ailleurs étant très mal éclairée". Aussi, en ce qui concerne la chapelle, on va hausser le sol d'un pied et demi, le carreler avec
des carreaux de brique. On va percer deux fenêtres au septentrion. La porte au midi sera déplacée, on va agrandir la fenêtre existante; par contre, on va murer les ouvertures à l'occident. A droite
de l'autel, on va percer une ouverture qui fera communiquer la chapelle avec la salle des malades, avec un escalier “en escargot”. Pour éviter que le toit ne paraisse, on fera une voute en
anse de panier, avec un lambris en planches de sapin. Pour le logement des pauvres, on le surélèvera de six pieds, avec un plancher capable de porter un carrelage. Il y aura au midi - côté cour - une
galerie de quatre pieds et demi de large (1 m 50) avec à chaque bout de la galerie, un escalier de douze marches. Au-dessus de la galerie, un lambris cachera le toit.
Pour le jour, côté septentrion, sur la ruelle, trois "demi-croisées" d'un pied et demi de largeur sur quatre pieds de hauteur (0,45 x 1,30) - côté midi, sur la galerie, cinq portes de trois
pieds et demi de largeur sur sept de hauteur (1,10 x 2,20). Ces portes seront en deux parties dans le sens de la hauteur, chacune de trois pieds et demi de haut. Au-dessus, une imposte pour éclairer
quand les portes sont fermées. La salle des malades aura douze pieds de haut (4 m). On aimait les vastes dimensions ! Au-dessus le “galetas”, où l'on accède sans doute par une simple trappe.
On prévoit une salle pour les hommes et une pour les femmes, séparées par une cloison avec une porte à deux battants qu'on puisse ouvrir à l'heure de la messe. Il y a trois cheminées, une dans la
salle des hommes, une dans la salle des femmes, une dans la chambre de l'hospitalier, les conduits devant dépasser de trois pieds le faîte du toit.
La chapelle
La chapelle a été démolie en 1792 pour aligner la route d'Artagnan (rue Thiers) et la route de Tarbes (rue Barrère de Vieuzac). Les délibérations du Conseil
Municipal, il y en a plusieurs, de mai à août, sont décevantes, elles ne nous apportent aucune description des lieux. Certes, nous avons la surface démolie : vingt quatre cannes carrées (1) et le
prix payé au propriétaire Sahuc, celui qui avait acheté le vieil hôpital douze ans plus tôt, soit 1580 livres. Mais il s'agit non seulement de la chapelle, mais aussi d'une partie de la maison Sahuc,
celle qui faisait l'angle de la rue de Silhac. De celle-ci, il reste la porte, la première de la rue, bizarrement située tout à l'angle; la maison devait avoir une ou plusieurs fenêtres à gauche de
cette porte. Il nous faut donc nous contenter des indications de 1743.
Avant 1743, il y a des ouvertures à l'occident et une au midi. La porte est également au midi, à l'extrémité du bâtiment.
Après 1743, il y a deux vitraux au septentrion - sur la ruelle - un au midi, tous de deux pieds de largeur sur six de hauteur (0,60 x 2,00).
On nous dira plus loin que la fausse voute en lambris est divisée en trois arceaux, dont un correspondant à l'autel. La nouvelle porte est prévue dans l'arceau du milieu; elle est à peine percée
qu'on se ravise: elle est trop près de l'autel; on la supprime et on revient à l'arceau du fond. On peut encore voir sur la ruelle des fenêtres à un niveau différent de celles de la salle des
malades: elles correspondent sans doute à la partie non démolie de la chapelle, soit 3 à 4 mètres. La chapelle aurait pu avoir entre 8 et 12 mètres de long, et la saillie sur la place entre 5 et 8
mètres. Il est impossible d'être plus précis. Quant à la largeur, elle ne peut être différente du reste du bâtiment : environ 6 mètres. Comme toutes les églises anciennes, la chapelle était donc
orientée : le chœur à l'est.