VIC-EN-BIGORRE EN 1789

Les métiers d'avant la Révolution

 

L’état des métiers de 1746 donnent du « Monsieur » ou « Madame » aux 18 familles de la tête du tableau : Monda, Pujo, Monlezun, Maigné de Sallenave, Ramondjean, Lanusse, juge, Bouchotte, Harader, Pujo-Labatut, Bousquet, Lafargue Labordène, Carrière, Lalanne, procureur du Roi, Lalanne, médecin, Carrière, Lasmues, Labatut, Costabadie. Puis, les 75 bourgeois qui suivent ont droit au « sieur » ou « demoiselle ». Tous les autres de la liste ont droit au « le nommé ». 

 

Le tableau des marchands et artisans vicquois de 1746, complété par celui de 1805, reflète un monde de professions que l’on à peine à imaginer aujourd’hui. On ne peut renoncer à l’évocation de tous ces artisans, marchands et ouvriers qui composent un monde coloré de la société finissante d’Ancien Régime.

 

Les meuniers - 4 moulins possédés par des nobles et 1 moulin propriété de la Ville - bouchers, boulangers, cordonniers, gardes des bois - salariés par la Ville - garde messiers - emploi temporaire pendant les vendanges - passementiers, colporteurs - « très petits marchands de soie, coton et lie, portant sur leur col suivant les marchés », cloutiers, marchands de tabac, boutonniers, traiteurs, voituriers - chargeurs, fileurs au rouet, bourgeois, laboureurs, brassiers, médecins, chirurgiens, pharmaciens, avocats, huissiers, notaires, contrôleurs, instituteurs, institutrices, prêtres, marchands de draps, marchands épiciers, marchands d’huile, marchands de blé, aubergistes, cabaretiers, fabricants d’eau-de-vie, tailleurs, couturières, tanneurs, selliers, menuisiers, charrons, scieurs, tourneurs, tonneliers, teinturiers, chapeliers, couteliers, serruriers, maréchaux-ferrants, forgerons, directeur de poste, gendarmes, concierge, garde forestier, garde champêtre, maçons, étudiants, plâtriers, domestiques, tuiliers, jardiniers, servantes, sabotiers, accoucheuses, vitriers, tisserands, arpenteurs, perruquiers, coiffeuses, maître de billard, sont 719, en 1805. Cet inventaire professionnel kaléidoscopique ne distingue pas les patrons des salariés.

 

Des vicquois pas très catholiques

 

Très curieusement, il n’y a aucune procession en dehors de la ville, aucune dévotion particulière, aucun pèlerinage organisé par la paroisse. Pourtant, le vicquois est catholique. Il plante des croix aux entrées de la ville, aux carrefours et incite « l’étranger » à faire de même à son arrivée. Il processionne en ville, pour parader. Les Consuls et les gens du Roi - gens de justice - sont en tête, sur la file de droite, le corps municipal, Premier Consul en tête, sur la file de gauche. Le premier magistrat porte la robe violette ou le « chaperon sur le col ». Même aux enterrements des notables, on marche par rang de trois. Au centre, les membres de la famille ; à droite, les gens de justice ; à gauche, le corps municipal.

 

Quel contraste avec les processions du XIXe siècle ! Les croix de mission de la route de Silhac et de la route de Tarbes, qui marquaient la séparation des quartiers de Silhac, La Rotis - place de Verdun - Junquet - quartier englobant le Baradat - drainaient la grande foule. Elles étaient une étape pour les processions des Rogations - période de trois jours avant l'Ascension où l'on implorait Dieu pour le travail des hommes et l'obtention de bonnes récoltes. Le trajet du cortège partait de l'église Saint-Martin vers la croix de mission de la rue de Silhac puis vers la croix de la Montjoie, sur la route de Rabastens, pour la Fête-Dieu - fête du Saint-Sacrement ou du Corps du Christ - jeudi suivant la Trinité - 1er dimanche après la Pentecôte - où les quartiers nord et sud étaient visités, alternativement, une année sur deux et pour l'Assomption de la Vierge-Marie - le 15 août, la Vierge monte corporellement au Ciel - où la procession sortait de l'église Saint-Martin, poursuivait jusqu'à la croix de mission, placée sur la place de la République, et revenait. Le trajet était volontairement court, à cause de la chaleur. Cette dernière croix, en mauvais état, est, aujourd’hui, placée à l'entrée nord de l'église, square Michel Latour. En 1619, le supérieur des pères Minimes, fraîchement installé, déplorait le peu de dévotion dans la ville : « Le jour de Corpus Christi à la procession générale, il n’y avait quasi personne ny mesme les rues nettes comme il se pratique en d’autres villes pour l’honneur du Saint-Sacrement ». La population hésite à rejoindre la procession car les rues sont remplies de « grandes boues ». 

 

Une ville qui manque de piété ? On a peine à le croire. Le curé Joseph Delcros-Terrats, nommé à Vic-en-Bigorre, le 22 janvier 1804, après l’épisode révolutionnaire, constate une déchristianisation profonde de la cité. Cet épisode de treize ans - commencé avec le curé Antoine Darrabiat originaire de Campan, qui ferme l’église Saint-Martin, le 12 juin 1791, se fait « jureur », devient « cultivateur » et se met en ménage avec Madeleine Lataste, châtelaine de Saint-Aunis qu’il épousera en 1798 - fait suite à un manque de ferveur populaire constaté par le curé Rivière, en 1783.

 

Une autre paroisse doit être rattachée à celle de Vic-Bigorre : Saint-Barthélemy de Baloc. En 1789, environ une vingtaine d’habitants habitent ce village dépeuplé par la peste de 1348. Rattaché à sa puissante voisine, en 1363, Baloc n’a plus de village ; seule demeure encore une grande église et son cimetière. Le curé de Vic-en-Bigorre, la fabrique et l’abbé Souville, archidiacre de Bazillac, perçoivent une dîme sur son terroir. En 1783, le curé de Baloc est Jean-Laurent Lalanne, natif de la Devèze. Il est là depuis 23 ans. Son vicaire assure le service à Liac, annexe de Baloc. Celui-ci reçoit de son curé la « portion congrue » de 250 livres par an. C’est très peu. Fort heureusement pour ses ressources, il partage le casuel avec le curé. Il réside au presbytère de Liac. À l’instar des exploiteurs patentés, le curé vit sur son vicaire qui assure seul le travail des offices, baptêmes, mariages et enterrements dans les deux églises. Le registre paroissial de Baloc ne saurait mentir.

 

Abadie, procureur du Roi, mettra le curé Lalanne en bonne place sur la liste des scandales dénoncés. Ce curé gère seul les fonds de Baloc sans rendre compte à quiconque. Enfin, les religieuses n’ont pas eu droit de cité, avant 1814, avec l’arrivée des premières sœurs de la Charité.

 

Pour conclure sur ce chapitre, l’essentiel des biens ecclésiastiques est constitué par les dîmes. Les biens fonciers vendus comme « biens nationaux », en 1790, couvrent une superficie de 368 journaux, soit 82,56 ha. La dîme est supprimée cette année-là. Durant la décennie 1780-1790, les impôts royaux oscillent entre 16100 et 17500 livres, en 1791, ils bondissent à 53340 livres et, en 1792, à 47851 livres.