VIC-EN-BIGORRE EN 1789
Une ville privilégiée
Joseph Verley à qui nous devons de beaux travaux de recherche sur les XVIIe et XVIIIe siècles, affirme que Vic-en-Bigorre est « privilégiée par son statut de
commune libre de toute attache féodale, de tout droit seigneurial… mais exerce des droits féodaux sur les villages de son quarteron ».
Ce constat explique, sans doute, la modération ou le modérantisme, selon la terminologie de l’époque, dont font preuve les vicquois
privilégiés. Leur régime fiscal est relativement doux et la Révolution le leur fera sentir en triplant le montant des impôts, entre 1790 et 1791. Les rapports matériels avec l’église Saint-Martin,
qui ne détient que 3 % du terroir de la ville, sont bons. Que dire encore d’un système de protection sociale issu de l’hôpital qui n’a pas de comparaison avec la plupart des villes et villages
de la province de Bigorre.
Mais tout ceci concerne la bourgeoisie locale et pas les prolétaires, ni les brassiers et les domestiques. Toutes les conditions d’une
révolution sont remplies et, pourtant, elle n’aura pas lieu. Le petit peuple « fait par moitié d’immigrés coupés de leurs racines » est absent de la pratique religieuse, comme le
note le curé Jacques Rivière, en 1783, et se retrouvera plus pauvre après la période révolutionnaire.
En 1790, Tarbes compte 6200 habitants, Bagnères-de-Bigorre, environ 5280 et Vic-en-Bigorre, troisième ville de la province depuis le XIVe
siècle, 3250 habitants, devançant Saint-Pé-de-Bigorre, 2700 habitants et Lourdes, 2600 habitants.
La monoculture de la vigne, économie de marché, donne à la ville un statut particulier différent du régime autarcique des campagnes sur
lequel va se greffer une crise économique due à un renversement de tendance climatique qui engendrera des mauvaises récoltes, d’où une hausse du prix du pain, et à laquelle s’additionneront une
hausse du prix de la viande consécutive à l’épizootie de 1774 et, plus encore, l’effondrement du prix du vin.
Une ville libre
Communauté indépendante depuis toujours, fière de ses privilèges moyenâgeux, Vic-en-Bigorre n’a subi l’autorité que du seul comte de Bigorre ou du roi de France. Un texte du 24 février 1590 rappelle que « les habitants n’entendent aucunement avoir gouverneur autre que les messieurs consuls et non autres, soulz le bon plaisir de son altesse ». Le 27 août 1692, un Édit royal supprime les magistrats élus.
Jean Menjoleton Junca-Lasmues achète pour 8000 livres l’office de maire de Vic-en-Bigorre. Il prend ses fonctions, le 1er mai 1693. Il y a de la concurrence pour obtenir ce poste qui offre de multiples avantages. Le maire sera député de la communauté vicquoise à l’assemblée des États de Bigorre. Il jouira du titre et des privilèges de la noblesse s’il exerce pendant une période de vingt ans et ses descendants jouiront des mêmes avantages s’il décède dans l’exercice de sa fonction. Il prendra le pas sur tous les autres magistrats de la ville. Il sera exempt de tutelle, de la taille, du guet et de la garde, du service du ban et de l’arrière-ban, des droits d’octroi et du logement des gens de guerre. En résumé, de toutes charges et contributions. Dernier avantage décisif, il doit avancer le capital demandé mais sera remboursé, peu à peu, par la commune. Cette créance est privilégiée et prioritaire sur toutes les autres. Les gages annuels sont de l’ordre du 1/25e du capital, soit 320 livres.
Junca-Lasmues occupera la fonction jusqu’en mars 1717, soit 24 ans. À cette date, l’assemblée des vicquois réunis dans la Bésiau ne pourra plus supporter cette position féodale qui n’a que trop duré et décidera le rachat de la charge de maire, à raison de 1000 livres par an, somme fixée par l’Intendant de la sénéchaussée de Bigorre. Le 1er Consul Jean de Carrière, élu en 1717, reprendra la charge de maire.
Des impôts à foison