Guerre d'indépendance de l'Espagne
Armée des Pyrénées
Antipathie ou aversion
entre le Mal Soult et le Mal Suchet
L'antipathie ou aversion qui existait entre les maréchaux Jean de Dieu Soult (1769-1851), duc de Dalmatie (plus haut) et Louis Gabriel Suchet ((1770-1826), duc d'Albufera (plus bas), couverts de gloire sur les champs de batailles, de titres et d'honneurs, est légendaire.
Le 10 septembre 1813, Henri Clarke, duc de Feltre, ministre de la Guerre, fait parvenir au duc d’Albufera, une lettre fort intéressante sur l’inimitié que voue Suchet au duc de Dalmatie. Cette antipathie ou aversion, selon divers auteurs, est reprise magistralement par le ministre de la Guerre au regard des vertus morales souhaitées pour les lieutenants généraux vis-à-vis du service impérial. Ainsi, ce courrier indique que le duc d’Albufera ne bénéficie d’aucun favoritisme de la part du Ministre avec l’approbation de Sa Majesté Impériale.
« Quelque pénible qu’il puisse être pour moi d’intervenir dans une espèce de discussion qui pourrait avoir son principe dans des souvenirs étrangers au service de Sa Majesté, cependant l’intérêt de ce même service ne me permet pas de voir avec indifférence l’altération de la bonne intelligence qui doit régner entre vous et M. le duc de Dalmatie et me fait au contraire un devoir de dissiper des préventions que je regarderais comme très funestes si Votre Excellence persistait à les conserver et surtout si elles venaient à influer sur ses rapports avec M. le Maréchal. Le plan que M. le Duc de Dalmatie vous a proposé est sans doute inexécutable, au moins dans l’état présent des affaires, mais je puis vous donner comme certain que le Maréchal, lorsqu’il a conçu ce plan, n’avait point une idée exacte de votre situation et qu’il ne connaissait ni la force des ennemis qui sont devant vous, ni celle que vous êtes en état de leur opposer. La proposition de M. le Duc de Dalmatie ne peut donc pas être jugée comme ayant pour base l’état réel des choses mais comme fondée sur un état fictif qui, à la première explication, ne pouvait manquer d’être réduite à sa juste valeur. Aussi, le Maréchal aussitôt qu’il a eu la connaissance plus exacte de votre position, a été le premier à comprendre que l’espérance qu’il avait eue d’une diversion de votre part du côté de Saragosse, devait être au moins ajournée : il s’est expliqué avec moi sur cet objet de manière à ne me laisser aucune espèce de doute et je mets quelque prix à vous communiquer ma persuasion à cet égard, convaincu que je ne puis mieux répondre à la confiance qui a dicté vos épanchements, qu’en dissipant les fantômes que vous vous êtes créés vous-même et qui ne vous ont pas permis de voir les choses sous leur véritable jour. J’espère, M. le Maréchal, que les inquiétudes de Votre Excellence ne survivront pas à cet éclaircissement et qu’entraîné par l’évidence des faits, vous me transmettrez, par votre première lettre, l’assurance qu’il ne reste dans votre esprit aucun nuage à cet égard et que la coopération de talent et de zèle sur laquelle M. le Duc de Dalmatie a droit de compter de votre part et que le bien du Service de l’Empereur exige, sera aussi franche et entière que la promptitude du Maréchal à faire l’aveu de sa méprise aussitôt qu’il a pu la reconnaître ».
Après la terrible défaite de l'armée des Pyrénées à Vitoria, le 21 juin 1813, Soult, rentré en France le 12 juillet, ignorant absolument la situation dans laquelle se trouvait le commandant de l'armée d'Aragon et de Catalogne, fait appel à Suchet, le 3 septembre, pour un renfort en effectifs puisé dans son armée et le rejoindre en avant de Lerida : « Nous ne pouvons nous dispenser de faire nos efforts pour éloigner le théâtre de la guerre de la grande frontière de l’Empire... Ce n’est donc que par la concentration générale de nos moyens, que nous pouvons espérer de changer le théâtre de la guerre et d’obtenir de nouveaux succès. À ce sujet j’ai écrit au Ministre de la Guerre de demander l’agrément de l’Empereur pour que la totalité des armées d’Aragon et de Catalogne qui ne seront point nécessaires à la défense des places de cette province ainsi que la majeure partie des troupes de l’armée d’Espagne et la moitié des 30000 hommes de renfort qui sont annoncés, se réuniront avant le 15 octobre prochain entre Pau et Tarbes dans l’objet de se porter rapidement par Oloron et Jaca, soit en Aragon, soit en Navarre, pour ensuite manoeuvrer de manière à obliger les armées ennemies à une affaire générale et les battre successivement ».
Soult estime alors que les deux armées ainsi réunies compteraient 70000 hommes environ. En réponse, Suchet objecte que la route d'Oloron par le col de Jaca, l'hiver, est impraticable et infranchissable pour l'artillerie. Soult pense qu'avec quelques travaux de consolidation, le passage est possible. Le 4 octobre 1813, le duc d’Albufera répond : « Il n’est pas au pouvoir des hommes d’y faire, en un an de travail, un passage pour les voitures ». Pour lui, la chose est physiquement impossible et ne doit même pas être discutée. Deux points de vue irréductibles. En conclusion, l'Empereur ne tranchera pas entre ces deux fortes personnalités et Suchet ne viendra pas aider Soult jusqu'à la défaite finale à Toulouse, le 10 avril 1814.
Extraits de l'ouvrage "Guerre d'Espagne et des Pyrénées 1813-1814 - Correspondances" de Claude Larronde et Bertrand Lamon - Éditions Gascogne - 2010.
Figurine Hachette en plomb du Maréchal Jean de Dieu Soult ---> "Planète légendaire "collection "Maréchaux d'Empire".
Figurine Hachette en plomb du Maréchal Louis Gabriel Suchet ---> "Planète légendaire" "collection "Maréchaux d'Empire".
Note de l'auteur : Pour l'armée des Pyrénées du Mal Soult, quelques extraits de textes s'inspirent des fascicules concernés.