VIC-EN-BIGORRE A TRAVERS LES SIECLES
Allée antique bordée de colonnes cylindriques sur le chemin de Saint-Lézer, villas romaines,
poteries, marbres, amphores, tête de marbre blanc de Saint-Béat trouvée au quartier des Orts, fragments d'écuelles, monnaies multiples découvertes à Saubanha datant du IIe siècle avant J. C, pour la
plus ancienne - As d'Ampurias à légendes ibériques - tous ces vestiges, résultats de fouilles archéologiques, attestent d'une vie sociale élaborée, dans le vicus romain, village de nos ancêtres
Bigerriones.
Rédigé en 1313, le “Debita Regi Navarre”, registre des redevances dues au comte de
Bigorre, donne quelques informations sur les coutumes et les devoirs des habitants de la baylie - canton - de Vic-en-Bigorre, aux XIIe et XIIIe siècles. Témoin précieux, il confirme l'attraction
exercée par le “borc” vicquois sur les villages périphériques.
Depuis le XIIe siècle, de nombreux artisans, brassiers, marchands, curieux ou malfrats se déplacent pour rejoindre le chef-lieu. Ce
puissant mouvement bouleverse la communauté, modifie les données économiques et commerciales et appelle une nouvelle organisation, une structure différente de la Cité.
Vers 1150, Pierre de Marsan, comte de Bigorre, ordonne les travaux de fortification de la ville
pour faire face aux visées expansionnistes de la maison de Béarn. Murailles, tours portes, barbacane, fossés seront inscrits à l'intérieur du canal. Artisans et commerçants se concentrent dans ce
périmètre historique et, en particulier, dans la rue du “Château” - maréchal Foch - dont le nom reste gravé dans l'esprit des vicquois. Elle est vite devenue l’artère principale, la plus
animée, avec ses nombreuses enseignes : tisserands, barbiers, savetiers, bouchers, ferblantiers, etc.
Période lumineuse et riche, le XIIIe siècle voit l'apogée du dynamisme vicquois. Au début du XIVe siècle, Vic-en-Bigorre devient la
troisième ville de Bigorre avec 416 feux - foyers - et développe une forte expansion économique et démographique. Après cette phase de prospérité, la baylie connaîtra les heures noires d'une époque
troublée, désenchantée, précaire, faite de maladies et d’épidémie : peste bubonique de 1348, désordres guerriers pendant et après le départ des Anglais, exactions des routiers pillards à la solde de
Gaston Fébus, récession économique et monétaire, ruine et disparition de localités. Le bel élan est brisé mais l'expansion territoriale demeure l'objectif numéro un des
vicquois.
Les acquisitions des terroirs de Ganos, Baloc, Saubanha et La Dieuzeide, aux XIVe, XVe et XVIe siècles, donneront au chef-lieu de
canton sa forme si caractéristique de gros papillon. La courbe démographique n’épousera pas celle de l'expansion géographique. Les maladies endémiques, le manque d'hygiène, les troubles religieux de
la fin du XVIe siècle et l'hébergement des troupes de guerre freineront sa remontée. L'apogée de 1313 sera retrouvé pendant la Révolution.
Durant l'incertain XVIIe siècle, le goût des armes primera sur toute autre vocation. On comptera beaucoup d’officiers vicquois sous
le règne de Louis XIV. Présents sur tous les champs de bataille, la réputation militaire de nos compatriotes fera pâlir d'envie bien des villes réputées plus illustres. Cette gloire militaire donnera
naissance à une curieuse manie, celle de vouloir être reconnu comme famille noble.
L’histoire des moulins de Vic-en-Bigorre, du XIIIe au XXe siècle, éclaire la vie quotidienne locale. La possession d’un moulin constitue la conquête d’un moyen économique important. C’est aussi
l’assurance d’une promotion sociale et la maîtrise de l’eau demeure une ardente obligation. Le maintien de l’activité du moulin est une constante motivation pour les familles nobles et bourgeoises,
sur le canal des Moulins, ou pour la communauté vicquoise et les particuliers, sur le canal de la Ville. Les possesseurs des moulins de Clarac, Latourréte, Claquet, la Place, la Ville, tiennent leur
fief de leur suzerain, le comte de Bigorre ou du roi de France et, à ce titre, lui doivent une redevance appelée cens.
La deuxième moitié du XVIe siècle marque le passage des moulins, fiefs nobles, entre des mains
étrangères à la communauté vicquoise ou bien dans celles d’une bourgeoisie d’épée. En juin 1651, Louis XIV autorise, par lettres patentes, les vicquois à construire un moulin à six paires de meules
afin de “mouldre blé sur la rivière de l’Echez”. Le manque à gagner des nobles est grand et leur monopole battu en brèche. La guerre est déclarée entre les propriétaires de Clarac,
Latourréte, Claquet, La Place et de la Ville. Ils sont nombreux les meuniers qui ont compris tout le profit que l’on peut tirer d’une telle “usine”, sur l’Echez. Leur négoce s’arrêtera,
définitivement, le 16 août 1985, avec la vente du moulin Clarac.
Artère fémorale de la ville, le ruban d’argent du canal des Moulins fut le sang de notre
communauté. Il en est, aujourd’hui, le plus bel ornement (1).
La naissance du XVIIIe siècle coïncide avec le lent mûrissement du conflit opposant les couches
laborieuses à la bourgeoisie toute puissante monopolisant biens fonciers et immobiliers, titres et fonctions lucratives, pour éclater avec violence après la Convention de 1792. Bourgeoisie et
noblesse vicquoises feront cause commune par le jeu des alliances. Les grandes familles vivront dans des hôtels construits dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle : Pujo de Lafitole (de Journet),
Maigné de Sallenave (ancienne Poste), Lavedan (Lafforgue), et de belles maisons : de Monda (groupe notarial), Lagarue, etc. entourées d'une nombreuse domesticité. Composée de notables, la Garde
nationale de 1789 est surveillée par la milice issue de la couche prolétaire qui la remplacera, en 1793. La réaction thermidorienne et la monarchie de Juillet ne pourront rien contre l'esprit de
liberté qui soufflera sur la ville.
On est frappé par les réclamations qui circulent après 1815 : pétition des habitants pour construire un marché couvert, sur la place
d'Orléans - la Halle aux grains - établissement des promenades publiques, ponts de passage sur le canal, grilles de protection - la fréquence de morts par noyade est impressionnante - plantations
d'arbres, réfection du pavé, rigoles et trottoirs, ouverture de nouvelles voies d'accès, amenée d'eau potable, amélioration de l'éclairage public, la liste est fort
longue.
Les municipalités républicaines qui se sont succédé, depuis 1878, doivent leur succès et leur
longévité à l'adoption d'une politique résolument progressiste face à l'héritage social des siècles écoulés. Toutes ces conquêtes communales pour le confort, l'hygiène publique, la sécurité et la
santé représentent, aujourd'hui, les avancées irréversibles de notre société (2).
Claude Larronde
(1) “Les Moulins de Vic-Bigorre” - Claude Larronde - S.V.E.I.M - 1995.
(2) Article paru dans le Bulletin municipal de Vic-en-Bigorre consacré aux dix ans d’action et de gestion municipale - Claude
Larronde - 1977-1987.