Morceaux choisis

 

Le 12 avril 1785, naît Jean-Baptiste Guindey dans ce qui était encore récemment la gendarmerie de Laruns, dénommée, alors, "Château de la Mâture", dans le département des Pyrénées-Atlantiques.

 

Jean-Baptiste Guindey est le premier enfant de Pierre Guindey, "Commis à la Mature", à Bordeaux, en retraite depuis le 3 décembre 1784 et de Jeanne Boutigue, fille de Julien Boutigue et Jeanne Pourtau, tous deux de Laruns. On ne badine pas avec l'éducation dans cette famille unie. Jean-Baptiste Guindey fréquente assidûment l'école de Laruns et, à 15 ans, l'année où un certain consul Bonaparte triomphe à Marengo, ses parents l'envoient à Toulouse où il accomplit de solides études pendant trois années. La carrière militaire l'attire et semble devoir être sa vocation. Sont-ce les uniformes bleus de ciel à tresses blanches des hussards du 10e régiment, cantonnés au dépôt d'Agen, qu'il aurait rencontrés et l'auraient ébloui ? Ou les brillantes victoires du premier Consul à Arcole et Rivoli ? 

 

Le 31 mai 1803, il s'engage dans ce régiment, en garnison à Cahors - aujourd'hui, maison de retraite du Vieux Quercy - comme enrôlé volontaire. Le 10e régiment de hussards est commandé par le bouillant colonel Antoine-Charles-Louis, comte de Lasalle, qui fait figure d'enfant terrible et entretient consciencieusement la réputation des hussards par des phrases définitives telles que : "Tout hussard qui n'est pas mort à 30 ans est un jean-foutre !".

 

Le 10e Hussards est affecté au Corps d'Observation de la Gironde et quitte Cahors, à la fin du mois d'août 1803, pour se rendre à Bayonne où un camp est établi. C'est là que Guindey reçoit ses premiers galons de brigadier, le 11 novembre 1803. Le camp est levé dans les premiers jours de décembre avec l'ordre de se rendre à Saint-Omer.

 

Le 27 août 1805, la brigade des hussards du 5e corps du maréchal Jean Lannes, duc de Montebello, est constituée par le 9e régiment et le 10e régiment de hussards commandé par le colonel Beaumont, ancien aide de camp de Murat, qui, depuis le 1er février 1805, remplace le comte de Lasalle, nommé général de brigade.

 

La grande armée du camp de Boulogne-sur-Mer se met en branle vers l'Autriche où l'attend la gloire. Après une longue route où l'on marche tambour battant et à raison de trente-cinq à quarante kilomètres par jour, 200000 hommes solides, entraînés et encadrés par des généraux passent le Rhin, à Kehl, le 25 septembre 1805. Les fantassins vont couvrir mille trois cents kilomètres en un mois et demi, des rives de la Manche au cœur de la Bavière.

 

Commandant l'une des trois armées autrichiennes, forte de 100000 hommes, le feld-maréchal baron von Mack s'est imprudemment avancé en Souabe. Napoléon va le tourner, l'envelopper et le détruire notamment par l'action conjuguée du maréchal Ney, à Elchingen et des 140000 Franco-Bavarois. Le 8 octobre 1805, la brigade des hussards de Treillard tourne Wertingen, dans la région d'Ingolstadt, sur le Danube, et charge les cuirassiers autrichiens qu'elle refoule dans la direction d'Ulm. C'est la première fois que Jean-Baptiste Guindey rencontre l'ennemi. 

 

L'accrochage qui a lieu à Holsheim, situé entre Wertingen et Aislingen, aux bords du Danube, est très dur pour le 10e Hussards : "Notre infanterie l'attaqua la première, ensuite vint notre tour ; à la première charge, j'eus mon cheval tué d'un boulet, mon capitaine me donna le cheval d'un camarade qui venait d'être tué, je revins à la charge et je fis fort bien mon devoir suivant ce que tout le régiment me dit".

 

Le 20 octobre 1805, la garnison autrichienne dépose les armes devant : "le petit homme en habit de soldat, coiffé d'un chapeau ratatiné et couvert d'une capote brûlée…". Le 10e Hussards qui comptait 31 officiers, 509 hommes et 480 chevaux au début de la campagne de 1805, est réduit à 23 officiers, 296 hommes et 298 chevaux après Austerlitz.

 

Napoléon a tout fait pour détacher le royaume de Saxe de l'influence prussienne. Il voit ses efforts diplomatiques réduits à néant par l'envahissement de ce petit état par la Prusse, au début du mois d'octobre 1806. Les deux armées sont mélangées allant ainsi contre le souhait de la Saxe. Une armée de 156000 hommes, dont 10000 soldats saxons, est commandée par le duc de Brunswick, âgé de 71 ans, le vaincu de Valmy. Mauvais présage… 

 

Le 5e corps d'armée de Lannes dispose de 19000 hommes, 1500 cavaliers et 28 pièces d'artillerie. Il entre en Saxe, le 8 octobre 1806, et forme la colonne ouest qui marche de Cobourg sur Saalfeld. 

 

Le 10 octobre, Lannes arrive sur les hauteurs de Saalfefd qu'il doit attaquer si l'ennemi n'est pas en position de force. En face de lui, le prince Louis-Ferdinand de Hohenzolern, avant-garde du corps prussien du prince de Hohenlohe, est un adversaire résolu de la France. La manœuvre d'enveloppement par les hussards français est exécutée en deux temps. Au commencement, le 9e Hussards est sévèrement bousculé par les escadrons saxons mais le 10e Hussards est là, en deuxième ligne. Le colonel Briche sépare ses cavaliers en deux ailes puis attaque les flancs prussiens qui, sabrés vigoureusement, rompent et ne peuvent remplir la mission de protection de leur infanterie en retraite. D'ailleurs, est-ce le terme approprié ? Plutôt une débandade échevelée. Les soldats prussiens, affolés, tentent de franchir la rivière à la nage et se noient, en nombre.

 

Le prince Louis-Ferdinand de Prusse se replie le long de la rive sud de la Saale, pour rejoindre Schwarza. Il se voit poursuivi par quelques hussards français, à l'arrière, mais, à ses côtés, deux aides de camp le protègent. Puis, son cheval s'arrête brusquement au franchissement d'une haie branchue. "Rendez-vous, général, ou vous êtes mort !" lui crie Jean-Baptiste Guindey.

 

Surpris, mais pas enclin à se rendre, le Prince fait face et répond en allemand alors qu'il parle le Français : "Sieg oder Tod !" (la Victoire ou la Mort !) Il pare une attaque du Maréchal des Logis en le touchant d'un violent coup de sabre à la joue droite. Guindey riposte en touchant le Prince au visage et au bras. Réaction de celui-ci qui porte un deuxième coup au front du Pyrénéen. Furieux de voir son sang jaillir, Guindey se déchaîne, porte un deuxième coup sur le côté droit du front, un troisième à la partie supérieure et postérieure de la tête et un quatrième qui lui fracture l'occipital.

 

Le prince Louis-Ferdinand glisse de son cheval et von Nortitz, son aide de camp, le reçoit dans ses bras. Ses ordonnances accourent pour lui porter secours et achever Jean-Baptiste Guindey. Mais la Providence veille sur lui. Un hussard du 10e régiment arrive au galop et s'écrie : "Tenez bon, maréchal des logis !" puis il lâche un coup de pistolet tuant un hussard prussien. Les ordonnances du Prince s'enfuient à bride abattue. Blessé, Guindey ne peut avec ce seul hussard tenir la position. Dégagé et soutenu par son sauveur, le hussard Fritz, il retrouve le plus proche peloton de son régiment, placé en soutien des tirailleurs.

L'émotion est considérable dans les rangs ennemis. Des prisonniers prussiens appartenant à l'avant-garde de Hohenlohe annoncent que Louis-Ferdinand de Prusse, leur général en chef, l'idole des soldats et jeunes officiers, vient d'être tué par un hussard français ! 

 

Pour le maréchal Lannes, la nouvelle est trop importante et doit être communiquée immédiatement à l'Empereur. L'estafette rapporte les propos du Monarque : "Je l'eusse fait de plus officier s'il m'eût amené le Prince vivant". 

 

Quand elle est connue de l'armée française, la mort du prince Louis-Ferdinand suscite des transports de joie parmi la troupe. Quatre jours plus tard, le 14 octobre 1806, Jean-Baptiste Guindey est nommé Maréchal des Logis en Chef. Il a vingt et un ans. Son acte de bravoure est reconnu au sein de la compagnie d'élite du 10e Hussards. Excellent bretteur et cavalier, il a sauvé sa vie de magistrale façon sur la rive gauche de la Saale.

 

Du 27 octobre 1806, jour de l'entrée de l'Empereur dans la capitale de Prusse, au 29 octobre, Guindey se distingue à Eychen dans la poursuite vers la Baltique de quelques éléments de l'armée prussienne qui refusent de se rendre et le conduisent à tuer un officier et deux dragons. 

Au début de l'année 1807, le 10e régiment de hussards compte 18 officiers, 660 hommes et 511 chevaux. De janvier à juillet 1807, le régiment cantonne dans les environs de Varsovie. Quelques mois plus tard, le 10e Hussards est chargé de rejoindre Saragosse où les efforts conjugués de Moncey, Junot, Lefèbvre-Desnouettes et Verdier ne peuvent venir à bout d'un siège sévère. Les défenseurs préfèrent mourir sous les ruines de leurs maisons que de se rendre. 

 

Le 11 décembre 1808, Guindey est grièvement blessé d'un coup de feu tiré d'un fourré, à bout portant, qui le jette à bas de son cheval. Il va se faire soigner au dépôt du 10e Hussards, à Pau, où il reste trois mois et retrouve sa famille. Pour lui, la campagne d'Espagne est terminée.

 

À Saragosse, Guindey a abandonné ses compagnons du 10e régiment de Hussards qui continueront à guerroyer durement dans la Péninsule. Guéri de sa blessure, il prend la route d'Allemagne pour aller participer à la campagne de 1809, en qualité d'officier d'ordonnance du général Piré. 

 

Jean-Baptiste Guindey est nommé lieutenant au 8e régiment de hussards, le 11 septembre 1809. Eu égard à sa bravoure, ses actions d'éclat et… les blessures reçues, la nomination est amplement méritée.

Nicolas-Charles Oudinot a été nommé commandant du 2e corps d'armée à la place de Lannes décédé des suites de ses blessures à Essling. Il est nommé commandant en chef de l'Armée du Nord le 5 janvier 1810, et commandant en chef de l'armée du Brabant, le 20 janvier. Duc de Reggio, le 14 avril 1810, il commande le corps d'observation de la Hollande, le lendemain.

 

Il charge la brigade Piré, dont le 8e Hussards fait partie, de surveiller les côtes et réprimer la contrebande avec l'Angleterre. Cette brigade est dirigée, ensuite, sur les côtes de la mer du Nord pour assurer la même mission.

 

Plusieurs mois passés loin des champs de bataille, sans chevauchées épiques ni coups de sabre, ont du paraître bien mornes au brillant hussard pyrénéen cantonné dans des missions de maintien de l'ordre. La routine, en quelque sorte. Mais le haut commandement n'a pas oublié Saalfeld, Pultusk, Saragosse, Essling et Wagram. Guindey est nommé lieutenant en second, le 24 juin 1811, dans les Grenadiers à cheval de la Garde Impériale : "Cette élite des cavaliers de Napoléon" où les simples grenadiers, sous-officiers et officiers sont membres de la Légion d'Honneur à une majorité écrasante. Il est nommé lieutenant en second sous-aide Major, le 6 décembre 1811 .

 

Le lieutenant Guindey a quitté le régiment du 8e Hussards, le 21 juillet 1811. Désormais, il suit l'Empereur avec ce magnifique régiment des Grenadiers à cheval de la Garde, commandé par le général de division Walther qui, avec les Dragons, compose la cavalerie lourde, dans une brigade commandée par le général Lepic. On peut penser que sa belle taille a été un des éléments décisifs pour sa désignation si l'on en croit Emile Marco de Saint-Hilaire : "Au grenadier à cheval de la Vieille Garde appartenait le privilège exclusif de cette figure et de cet aplomb qui le faisait remarquer entre tous les autres cavaliers de l'armée. Il était de haute stature et portait comme une coiffure légère, le lourd bonnet d'ourson qui, lorsqu'il était à cheval, semblait ajouter encore à ce que sa taille avait d'imposante". 

 

Jean-Baptiste Guindey est nommé lieutenant en premier sous-adjudant Major, le 9 février 1813 et repart pour la Saxe, dès le printemps de 1813. Il est à Francfort, le 14 avril, avec toute la cavalerie de la Garde. Guindey est encore présent à Dresde, les 26 et 27 août 1813 et à Wachau, le 16 octobre, où il va attaquer mais les Autrichiens débordent notre droite et la nuit fait cesser les combats. 

 

La bataille la plus meurtrière de l'Empire dite bataille des Nations raye des effectifs quinze généraux, cinq adjudants-commandants et sept colonels ; au total, 15000 tués et 15000 prisonniers ! C'est bientôt la fin de l'Empire français. Napoléon doit à présent défendre les frontières de son pays avec 95000 hommes épuisés et affamés. Pour cela, l'armée française fait retraite vers Mayence poursuivie par 150000 Autrichiens. Après leur désertion, 50000 Bavarois tentent de couper la route de France à notre armée, à Hanau.

 

Charles Parquin raconte dans ses "Mémoires" la fin de Jean-Baptiste Guindey : "Mon ami, l'intrépide Guindey, sous-adjudant major aux grenadiers à cheval, le même qui à Saalfeld tua le prince Louis en combat singulier, fut trouvé mort le soir sur le champ de bataille tout couvert de coups de sabre, au milieu d'une demi-douzaine de cadavres de chevau-légers bavarois à qui il avait fait payer cher sa mort. Ce brave officier, le matin même, avait entendu dire par l'Empereur au bivouac à plusieurs officiers qui l'entouraient à pied dans la forêt : Comment trouvez-vous les Bavarois, nos alliés d'hier, qui prétendent nous barrer le passage et nous empêcher de rentrer en France et cela quand nous apercevons les clochers de Mayence ? Parbleu, c'est un peu fort ! Soyez tranquille, Sire, avait répliqué Guindey, les Bavarois nous payeront aujourd'hui leur trahison et leur jactance". L'attaque a lieu, le 30 octobre 1813, dans l'après-midi et son corps est découvert dans la soirée. À dix-sept heures, la bataille est complètement gagnée.

 

On peut supposer que cette dernière attaque de la brigade lourde de la Garde impériale - Grenadiers et Dragons réunis - fut fatale à Jean-Baptiste Guindey qui défendit chèrement sa vie face à la cavalerie autrichienne, russe et bavaroise dont les Chevau-légers eurent raison de lui. 

 

Guindey est mort à vingt-huit ans, comme un valeureux combattant, après dix années de chevauchées et de charges héroïques au service de l'Empereur. La ville de Laruns, dans les Basses-Pyrénées, honore son enfant, le dimanche 27 septembre 1903, en élevant devant l'église paroissiale un buste en bronze clair, œuvre de Mme Coutan-Montorgueil, fondu par A. Bulteau et fils sur un socle de pierre de marbre d'Arudy choisi par le sculpteur Edmond Desca, de Vic-en-Bigorre. 

 

Le 13 novembre 1903, au cimetière Nord de Paris dit de Montmartre (27e division, 10e ligne, n° 7, avenue de la Cloche), sont inaugurés un buste et un bas-relief, répliques du monument de Laruns, sur la pierre tombale de Guindey. C'est à l'initiative de Maurice Castellar, petit-neveu du héros pyrénéen, que fut élevé le monument, à Laruns.

 

Morceau choisi

 

Jean-Baptiste Guindey est le héros type de l'Empire. Entré à 18 ans comme Brigadier au 10e régiment de hussards, il se couvre de gloire, à 21 ans et laisse son nom dans l'Histoire en tuant le prince Louis-Ferdinand de Prusse dans un duel singulier, à Saalfeld, en Allemagne. Huit ans plus tard, il est nommé Lieutenant en 1er dans le prestigieux corps des Grenadiers à cheval de la Garde Impériale.

 

Jean-Baptiste Guindey a fait campagne dans la compagnie d'élite des Hussards et s'est battu à Wertingen et Austerlitz, en 1805, à Saalfeld, Eychen et Pultusk, en 1806, à Eylau et Ostrolenka, en 1807, au siège de Saragosse, en 1808, à Essling, Wagram, en 1809, à Wilna et Borodino, en 1812, à Dresde, Wachau, Leipzig et Hanau où il est tué, en 1813. 

Son courage, ses qualités de brillant cavalier et de redoutable bretteur lui ont valu les félicitations de Napoléon et la remise de la Légion d'Honneur des mains de l'Empereur.

 

À 28 ans, il a tout connu : l'amitié des bivouacs, la souffrance par ses nombreuses blessures, les récompenses, la reconnaissance de ses chefs et l'exaltation des charges héroïques. Au matin de la dernière, le 30 octobre 1813, il a réaffirmé sa foi et son attachement à l'Empereur, avant de mourir héroïquement à Hanau.

 

Éditions Princi Negue Editor - 89 pages - 2003.

 

Peintures et illustrations en couleur de Detaille, Zix, Wilke, Myrbach, Titeux, Knötel, Blondieau, provenant de la Bibliothèque des Hussards, au Musée Massey de Tarbes - Format : 22 x 17 cm - 90 pages.

 

Prix de l'ouvrage = 12 € + Frais d'envoi (France métropolitaine) = 5 €

 

Total : 17 €

 

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