Les procédés de fabrication

 

Lʼordonnance stipule seulement : « Les pièces continueront dʼêtre coulées par la volée ». Cette phrase dʼapparence anodine recouvre une opération assez complexe. Jusquʼen 1675, environ, dans toutes les fonderies, la coulée des canons se fait à noyau, en puits et à la volée en haut. 

 

- « A noyau » se rapporte au moule, lequel comprend un noyau axial qui ménage le vide de lʼâme ; ce noyau est centré à sa partie arrière (côté culasse) par une pièce spéciale, le « chapelet », anneau de fer forgé pourvu de branches en étoile, lʼanneau enserre le noyau et les branches sont engagées dans la chape externe du moule. À la coulée, le métal emprisonne évidemment le «chapelet» et, après démoulage, la partie des branches qui pénétrait dans la chape fait une saillie à lʼextérieur du canon que lʼon arase.

 

- « En puits » se rapporte au mode de coulée, le métal en fusion se déversant par le haut du moule disposé verticalement dans la fosse de coulée. En vue dʼaméliorer le remplissage qui se faisait dʼune hauteur de quelques mètres dans un versement tumultueux pouvant laisser des manques dans la zone des anses et des tourillons, les frères Keller mirent au point, à Douai, une coulée en siphon (ou en source) « par la culasse » qui assurait une remontée du métal en fusion par le bas du moule.

Un nouveau procédé de fabrication

Dans le même temps, ces méthodes de coulées étaient déjà remises en question. Les techniciens avaient eu vent quʼà Paris un nouveau procédé de fabrication des canons imaginé, vers 1714, par un mécanicien de Berthoud (canton de Berne), Jean Maritz (1680-1743) déjà cité. Au lieu de les couler «à noyau», il les coulait « pleins », le brut de fonderie obtenu était ensuite foré sur une machine de sa conception. Des tractations pour obtenir de Jean Maritz quʼil vienne appliquer son procédé en France étaient déjà en cours, en 1725, mais elles durèrent longtemps et ce nʼest que le 1er mars 1734 que lui-même ainsi que son fils, également prénommé Jean (1711-1790), furent nommés « commissaires des fontes dʼartillerie de Lyon ». Une machine à forer fut installée à Lyon et les premières réalisations datent de 1735. Elles sont reconnues satisfaisantes et le procédé correspondant est adopté et son application progressivement étendue à toutes les fonderies de bronze et de fonte du royaume. Ainsi, les problèmes pratiques inhérents à la réalisation du noyau (arcure) et à sa mise en place dans le moule (excentrage) disparaissent, le volume plus grand et de forme plus simple offerte au métal en fusion rend moins critique la coulée « en puits ». La supériorité du procédé est jugée telle que les prix des façons quʼon trouve aux fonderies de Lyon et de Strasbourg, pourtant 21 % supérieures en moyenne quʼailleurs, ont été accordés à Maritz qui a été successivement Commissaire des fontes de ces fonderies, en considération de sa machine pour forer les pièces, en 1750. Les 3 canons de lʼArsenal de Tarbes ont tous été réalisés selon le nouveau procédé et, de 1736, le Castor est lʼun des plus anciens du genre. En outre, réalisé quelques semaines seulement après son accession à la grande maîtrise de lʼartillerie, il est lʼun des premiers à avoir reçu la titulature du comte dʼEu. Les registres des fonderies ayant disparu, on ne connaît pas la quantité exacte de canons de Mle 1732. On subodore quelques milliers. Les précieux vestiges qui subsistent, fondus entre 1733 et 1759, sont au nombre dʼune centaine. Une moitié est conservée au Musée de lʼArmée, lʼautre est répartie entre France, Autriche, Belgique, Cuba, Espagne, États-Unis, Grande-Bretagne, etc.

Un matériel nouveau

La guerre de succession de la Pologne survient en 1733. Lʼartillerie peut reprendre, sur des bases améliorées, la restauration de son parc. Dès 1736, les opérations en Lombardie et sur le Rhin font ressentir le manque dʼune artillerie de bataille suffisamment légère et mobile. La guerre de Sept Ans (1757-1763) accentue cette tendance. Le choix de 1732 est bientôt sujet à discussion. En 1764, le général de Gribeauval entreprend la rénovation systématique de lʼensemble du matériel dont il reconnaît la qualité. Il conserve les définitions géométriques et balistiques des canons de 24 et de 16 pour ses canons de siège, de même que celles des 12 et 8 pour ses canons de place. En 1792, lʼabondance des munitions du calibre de 6 prises à nos adversaires rend opportune lʼintroduction de ce calibre dans lʼartillerie de terre.

 

En 1860, le rayage adopté pour les nouveaux canons de campagne Mle 1858 est étendu pour leur permettre de tirer les nouveaux obus oblongs, aux canons de siège et de place. Ces derniers sont obtenus par la transformation des 24 et 12 du Mle 1732 et du modèle Gribeauval - six rayures à pas constant, hausse latérale à tige - qui deviennent respectivement le « canon de 24 de place Mle 1860-67 », tirant un obus de 24 kg à 5600 m et le « canon de 12 de place Mle 1860-1865 », tirant un obus de 12 kg à 5000 m.

 

PAN est un exemple du premier, LE CASTOR et LE SOURD des exemples du second. Ces matériels ne seront déclassés quʼaprès la généralisation du chargement par la culasse.